Les îles mystérieuses

Les naufragés qui débarquent sur nos spots ont leurs terres promises ! Des plaques de déchets grandes comme des continents ont été découvertes dans chacun des océans et rien, en particulier l’explosion de la consommation et le changement climatique ne semble pouvoir les arrêter.

Vincent Chanderot dans WIND mag

On les appelle Gyres océaniques. La première et la plus importante, couvrant six fois la surface de la France, a été décrite en 1997 par le navigateur Charles Moore lors d’un convoyage entre Hawaï et la Californie : « Jour après jour, je ne voyais pas de dauphins, pas de baleines, pas de poissons, je ne voyais que du plastique ». La Great Pacific Garbadge Patch, comme les gyres de l’Atlantique ou de l’océan indien, formée d’une accumulation de déchets et de débris, se situe dans une zone de hautes pressions où les vents sont faibles et les courants s’enroulent en tourbillons géants sans issue. A l’inverse des anneaux de saturne, les plaques sont peu visibles car, quoique excessivement nombreux, les petits débris (moins de 1cm) qui les composent flottent entre deux eaux. Les scientifiques en ont compté jusqu’à 1 milliard par km2 avec des masses de plastiques parfois 6 fois supérieures à celle du plancton ! Ces gyres monstrueuses ne constituent pourtant que la partie émergée de l’iceberg car beaucoup de déchets coulent et tapissent le fond, perturbant ainsi les échanges sédiments-océan. Les comptages de l’Ifremer révèlent jusqu’à 1 500 débris par Ha (2 terrains de foot) dans le fond de certains canyons proches de la côte d’azur. En Méditerranée, ce ne sont pas des gyres permanentes, mais des tourbillons ponctuels qui prennent en charge les quantités phénoménales de détritus balancés par les riverains.

Société jetable

Les déchets que nous côtoyons sur les spots comme épluchures beach ne sont que les traces visibles infinitésimales de l’empreinte humaine sur les océans. Les stigmates infligés aux plages par les plastiques (80%) soutiennent cette aberration : la société  consomme ce matériau extraordinaire dont l’espérance de vie dépasse la notre pour un usage éphémère.

Selon le PNUE, 80% des échouats sur les plages sont jetés sur les continents et se retrouvent dans la mer, charriés par les vents, les pluies puis les rivières. Ce sont bien sûr les décharges sauvages et les objets abandonnés négligemment à terre qui souillent préférentiellement les spots. Les fortes pluies, qui prennent de l’ampleur avec le changement climatique, ratissent tout ce qui traine et saturent les réseaux d’assainissement contraints de relarguer des eaux non traitées dans les rivières. Selon des associations, un mégot jeté dans le caniveau a de fortes chances de se retrouver à terme, via les réseaux pluviaux, dans l’océan ou sur une plage, souillant au passage l’eau de ses produits chimiques.

Pour une navigation plaisir

Outre le sentiment désagréable de naviguer dans une poubelle, toutes ces ordures exposent à un risque environnemental. Les débris accumulent des polluants organiques et des bactéries pathogènes qui peuvent être ingérés par la faune marine puis éventuellement par l’homme : DDT, PCB, phtalates, métaux lourds… Le risque mortel est avéré pour au moins 267 espèces au sein desquels on a retrouvé de nombreux déchets dans les cadavres. Tout le monde sait que les tortues risquent l’asphyxie en confondant les sacs plastiques avec les méduses dont elles se délectent. Comme les oiseaux, elles sont souvent incapables de différencier les déchets de la nourriture. Les autopsies, pratiquées sur les albatros du grand large sont stupéfiantes : les estomacs saturés de brosses à dents, flotteurs, balles de golf, mégots, morceaux de filets ou larmes de sirènes conduisent à des blessures, infections, empoisonnements, étouffements ou morts de famine faute de place.

Les déchets dérivants permettent aussi à des espèces invasives telle l’araignée d’eau Halobates sericeus ou des souches bactériennes de conquérir de nouveaux territoires.

A la pêche aux idées reçues

Les déchets se dégradent plus rapidement dans l’eau de mer? Il semblerait à contrario que les plastiques, dont 10% des 300 millions de tonnes produits chaque année finissent dans les océans, soient un peu protégés des UV et de la chaleur par l’eau. Les plastiques dans les gyres sont à terme dégradés en fragments minuscules, ce qui favorise leur flottaison, leur ingestion et compromet de pouvoir les récupérer un jour si quelqu’un en a la volonté.

Pensez-y la prochaine fois que vous serez tenté d’abandonner un mégot ou un paquet de chips après la session. En une année, 400 à 4000 kg de déchets s’échouent sur chaque kilomètre du littoral Français. La plupart des plages sont nettoyées à grands frais à la santé du contribuable au bulldozer, qui ne distingue bien entendu pas les déchets humains de la laisse de mer indispensable à l’écosystème littoral et à la protection contre l’érosion. Pour éviter l’aseptie et l’érosion, il faudrait procéder à un ramassage sélectif comme lors des initiatives océanes, mais sans s’attaquer à la source  de cette pollution, ce travail fastidieux reviendra toujours à vider l’océan à la petite cuiller.

La non prise en compte des déchets dans la détermination de la qualité des eaux de baignade n’encourage probablement pas les collectivités à prendre le taureau par les cornes pour éradiquer les 6000 décharges sauvages persistantes et améliorer le faible taux de recyclage du plastique que nous surconsommons (25%, ADEME).

Abandonner sur les spots des déchets que l’on pense biodégradables, c’est oublier que le processus n’est pas instantané. Les autres planchistes profiteront du spectacle réjouissant de votre papier toilette pendant 3 mois, de votre trognon de pomme 1 à 6 mois, d’un vieux chewing-gum 5 ans, d’une poche plastique 450 ans, d’une canette jusqu’à 500 ans, d’une bouteille plastique 1000 ans et 4000 si elle est en verre.

Sable : Si le Grain ne meurt

L’hiver 2014 a été particulièrement rude pour les plages et les dunes de la façade atlantique. Les dunes on été grignotées jusqu’à cinquante mètres, tandis que les plages se sont amincies, comme à Ondres, où un bunker enfoui depuis 1977 a refait son apparition. Bien des choses expliquent cette disparition : gros swells, tempêtes par gros coefficients de marée, changement climatique, oscillation atlantique, la hausse du niveau de la mer… nous analysions la dynamique du sable dans le Wind n°361, mais on ne parle que trop rarement de la surexploitation industrielle de sables marins. Par Vincent Chanderot dans WIND mag

Les dunes sont grignotées en hiver par les tempêtes, c’est dans l’ordre des choses. Pendant l’été, le sable englouti est restitué et les plages s’engraissent, léchées par des petites vaguelettes. Beaucoup de plages sur terre sont pourtant en érosion faute de ne pouvoir être rengraissées. Les dunes sont grignotées mais le sable ne revient plus parce qu’il est bloqué ailleurs par des digues, ou parce qu’il est volé à l’océan. Et quand il n’y a plus de plage et que la dune ne peut plus reculer à cause du bétonnage, c’est depuis une route effondrée qu’il faut se mettre à l’eau…

Enquête sur une disparition

Le film de Denis Delestrac (disponible en VOD chez Arte) raconte merveilleusement la tragédie en cours. Car si le sable est pour nous synonyme de plages, vacances, windsurf, il n’en est pas moins omniprésent dans notre vie quotidienne. Le silicium extrait du sable, c’est le verre, la fibre de verre et les matériaux composites, donc les flotteurs, les avions, mais aussi les détergents, le dentifrice, le papier, le vin, les cosmétiques, les puces électroniques et les processeurs, donc les ordinateurs, les téléphones, les cartes bancaires… Le sable, c’est enfin, ajouté à 1/3 de ciment, le matériau performant et peu onéreux le plus utilisé par la folie bâtisseuse : le béton. Mis à part l’eau, aucune ressource terrestre n’est autant exploitée que le sable. Il en faut 200 tonnes pour construire une maison, 3000 t pour un hôpital, 30 000 tonnes pour un seul kilomètre d’autoroute et 12 millions de tonnes pour la construction d’une centrale nucléaire (sans le sarcophage en béton en fin de vie). Ce sont ainsi plus de 15 milliards de tonnes de grains, qui sont substitués chaque année aux carrières, aux rivières et aux plages. Partout le sable est utilisé comme une ressource infinie qu’il n’est pas et dans de nombreux endroits du globe, les réserves sont épuisées. A Dubai et à Singapour, à force de projets gandguignolesques, il ne reste plus rien. Le sable du désert, trop rond, ne peut servir à la construction, il a donc fallu importer du granule depuis l’Australie pour Dubai, et auprès de la mafia de Singapour depuis que ses voisins, las de se faire dépouiller, ont interdit ce commerce avec la cité-état.

A saisir : maisons les pieds dans l’eau.

Habiter au bord de la plage, c’est le rêve, dont beaucoup sont revenus, et pourtant on continue de bétonner partout. Aux USA, en Afrique, en Asie, en Europe, on ne compte plus les ouvrages dont les jours sont comptés parce que la dune (le réservoir tampon de la plage) a été éradiquée au profit d’immeubles et de parkings. On a beaucoup parlé du Signal à Soulac, construit initialement à 200m du front de mer. Il a été évacué cet hiver après des années de lutte perdue d’avance, mais tout ça ne semble pas être pris très au sérieux, puisque in fine ce sont vos impôts qui financent la protection des patrimoines privés. Au Maroc, il ne reste plus rien de plages censées attirer les touristes après que leur sable ait été pillé pour ériger les hôtels. Aux Maldives, 120 îles ont été évacuées, sous l’effet de la montée des eaux et de l’extraction sauvage du sable. Il ne remplit plus son rôle de barrière et entraîne avec lui la disparition des lagons, des coraux, de la faune associée et donc des pêcheurs aussi.

Et les shadocks remblayaient.

Parce que nul ne semble disposé à remédier à la racine du problème, i.e en rétablissant les dunes, les hommes se lancent à corps perdu dans le réensablement des plages. Un gouffre financier et une stratégie de court terme vouée à l’échec. Si le sable ne persiste pas naturellement sur une plage, pourquoi celui amené par camion y resterait-il? Tout le sable acheminé sur un projet californien de 17 000 000 $ a disparu en moins d’un an et au passage les fonds marins ont été dévastés. En Floride, où 90% des plages sont en voie de disparition, les dragues aspirent au large le sable ainsi que tous les êtres vivants au large pour les rejeter sur les plages. Les animaux et végétaux sont broyés ou enterrés vivants. Pourtant ce sable sert de frayère et les organismes benthiques qui y vivent stabilisent le sable du large et sont à la base de la chaîne alimentaire de toutes les espèces de la colonne d’eau.

Le cas de la France

Le film est très alarmiste, à juste titre. Il omet toutefois de préciser qu’en France, les granulats marins représentent jusqu’à 80% des besoins en sable de certains départements littoraux, mais encore une faible part des extractions totales. Cependant les carrières sont en voie de disparition et la ponction en rivière et en mer augmente pour faire face aux débuts de pénurie en IDF, Aquitaine, Bretagne, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, faute de recours aux granules recyclés. En méditerranée, il n’y aurait selon l’Ifremer, pas d’extraction de sable à destination autre que le rechargement des plages. Au pays basque, dont les plages d’Anglet ont pourtant sévèrement reculé depuis la construction de la digue du Boucau, la préfecture vient d’autoriser la revente au BTP du sable dragué qui allait autrefois recharger les plages. En Bretagne, à Trébeurden, un projet fait l’unanimité contre lui. Suite à la fin de l’exploitation du Maërl (un milieu très riche et fragile d’algues calcaires rouges, utilisé pour amender les sols agricoles), le groupe Roullier lobbyise à mort pour extraire au bord de 2 sites Naturels, l’équivalent d’une pyramide de Kheops de sable coquiller tous les 10 ans. Au risque d’aggraver la disparition des plage avoisinantes déjà mal en point et d’éradiquer la pêche (la dune est un refuge de poissons), notre ministère du redressement productif, toujours très sensible aux chants des industriels et du productivisme à tout prix, rechigne à écouter la voix du peuple et de ses élus.

Le grain de sable dans le mécanisme.

Tout ce sable est le fruit d’une accumulation sur des milliers d’années. Le sable vient des montagnes, dont le granit ou le grès est érodé puis emporté par les rivières jusqu’à l’océan. Il faut plusieurs milliers d’années pour qu’un grain n’atteigne la mer, mais aujourd’hui, la moitié d’entre eux n’arrivera jamais au bout du voyage. Il y a sur Terre 845 000 barrages qui empêchent le sable d’accéder aux plages. Il s’en est construit rien qu’aux USA, 1 par jour depuis leur indépendance en 1776. En 2020, plus aucun cours d’eau chinois ne devrait atteindre la mer. Windsurfeurs, rejoignez le mouvement. Moins d’aéroports et de supermarchés. Plus de plages !

Trip en radioactivité

Une année ne s’était pas écoulée depuis l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi, qu’en bons kamikazes, les watermen japonais étaient déjà de retour à l’eau. Alors qu’en 2011, les italiens faisaient l’impasse sur le PWA de Corée distant de 1000km et Dunkerbeck refusait de mettre les pieds à Hawaï, ces types sont ils vraiment fous de faire trempette aux frontières du no man’s land à 10km du monstre? Dans ce cas, que penser des plages françaises voisines de l’usine Areva, dont la presse titrait l’an dernier qu’elles étaient plus radioactives que celles de Fukushima ?

Vincent Chanderot, WIND mag, Juin 2014 (Photo Joana Hahn)

La technologie nucléaire du pays le plus high-tech au monde n’a pas résisté aux événements naturels. Trois des réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi sont entrés en fusion suite à la défaillance des circuits de refroidissement, avec les dégâts qu’on connaît : une très forte pollution radioactive dans l’océan et une région condamnée à jamais. Depuis, les réacteurs doivent être arrosés en permanence afin qu’ils ne repartent pas en fusion et cette eau contaminée s’infiltre dans le sol, puis dans la mer. Les fondations baignent dans 90 000 tonnes d’une eau extrêmement radioactive, qui souille doucement la nappe phréatique et l’océan. Toutes les 60 heures se construit un réservoir pour y stocker les eaux pompées, ils sont plus de 1000, mais construits à la va-vite, certains commencent déjà à fuir. Il existe bien un chantier de ceinture de glace en cours, pour limiter l’entrée dans la centrale des 1000t d’eau ruissellant de la montagne chaque jour, mais il est bien mal engagé. La société Tepco reconnait un flux d’eau radioactive vers l’océan d’au moins 300 tonnes par jour, sans compter les vidanges volontaires, mais peu d’informations fuitent sur son activité.

L’appel des vagues

Les autorités, misant sur la dilution de la pollution radioactive par le courant du Kuro-shio, ont rapidement laissé reémerger les activités nautiques sans entraves. Hiromi Matsubara, président de l’association Surfrider au Japon nous a raconté : « Après la pollution initiale qui a largué notamment césium, iode radioactifs, plutonium et strontium, le second obstacle au retour à l’océan était la dévastation du littoral ». Les accès aux plages étaient impraticables, le sable complètement recouvert de débris. Plusieurs années après la catastrophe, on trouve encore, entre deux eaux, des vestiges arrachés à l’île par le tsunami. Beaucoup de japonais refusent encore d’approcher l’océan, redoutant d’y voir flotter les fantômes des victimes englouties. D’après notre activiste Nippon, une bande de kamikazes s’était remise à l’eau sur le spot de Kitaizumi  (26 km au nord) quelques semaines seulement après l’explosion. Aujourd’hui, ce spot situé à Minamisoma a retrouvé le tiers de sa fréquentation; le grand spot de Iwaki, à une quarantaine de kilomètres au sud de Daiichi, la moitié. Ce sont essentiellement les anciens qu’on retrouve à l’eau, dont la philosophie dénote avec l’abnégation japonaise : « Quitte à vivre sur une terre radioactive, respirer de l’air radioactif, manger de la baleine radioactive fourrée au métaux lourds, autant ne pas se priver d’un dernier petit plaisir. Mais sans les gosses, on les laisse à l’abri, au sec ». C’est peut être ce dernier refuge qui pousse même certains a pénétrer la zone d’exclusion, pour y surfer des vagues interdites. Les autorités locales encouragent le retour des activités nautiques (sur la base de dosages inférieurs à 10 Bq/L pour le césium à Iwaki), mais nombreux sont ceux à rester méfiants face aux incertitudes et aux innombrables mensonges de l’exploitant Tepco ou du gouvernement. Car c’est bien la collusion entre l’organisation de sureté nucléaire et la Tepco qui est coupable de cet accident…. Quoiqu’ils puissent dire, la récente capture à Iwaki d’un poisson 124 fois plus radioactif que la limite admise ne contribue pas à rassurer les foules.

Fukushima c’est bien, La Hague, c’est mieux

L’eau radioactive fait-elle aller plus vite? Nul besoin de traverser d’aller à Daiichi ou Mururoa pour mener l’expérience. A une quinzaine de kilomètres des côtes normandes, dans la vallée Hurd Deep, 28 500 fûts de déchets radioactifs abandonnés par anglais et belges sous à peine 100m d’eau, se font doucement grignoter en compagnie de centaines de tonnes de munitions. Peut-être existe-t-il un lien, toujours rejeté par les autorités, entre le fort taux de leucémies qui frappe l’île d’Aurigny et ces fûts. Mais il y a pire. La radioactivité contenue dans tous ces barils représente à peine quelques mois de rejets de l’usine Areva de La Hague, le site nucléaire le plus polluant au monde. Certains radioéléments (tritium, 129Iode, 106Ruthenium, 14Carbone, Plutonium) sont rejetés en plus ou moins grandes quantités via un émissaire en mer s’ouvrant devant le nez de Jobourg, afin que le puissant Raz Blanchard les dilue jusque dans les eaux scandinaves. Malgré cela, la radioactivité n’est pas négligeable à la côte. Elle est mesurée en baie d’Ecalgrain par le laboratoire indépendant de l’ACRO à 15-27 Becquerels/L rien que pour le tritium, soit cent fois la radioactivité naturelle du site. C’est plus qu’à proximité de Daiichi où le labo a mesuré entre 3 et 13 Bq/L. Une mesure exceptionnelle à 110 Bq/L, synchrone avec un rejet,  a défrayé la chronique Normande l’hiver dernier. Les journaux ont titré sans qu’on puisse leur donner tort ni raison, que les plages seraient plus radioactives qu’à Fukushima. Antoine Bernollin de l’ACRO nous a confié que ce qui était vrai pour un élément ne l’était pas forcément pour d’autres. Il y a plus de tritium dans l’eau face à l’émissaire de Areva, mais il y a certainement plus de produits de fission au Japon. Sa préoccupation va plutôt à la fréquence des rejets, qui peuvent conduire à un empoisonnement chronique à doses faibles de l’écosystème et notamment une bioaccumulation chez les moules. L’IRSN ne conteste pas les valeurs relevées, mais affirme qu’elles ne constituent pas une  menace. Nous avons interrogé le président de la Crii-Rad, le Pr Roland Desbordes: « les connaissances sur la toxicité du tritium sont limitées et remises en cause. On pensait que l’eau tritiée (*H2O comprenant du tritium,  Ndlr) ne posait pas de problème sanitaire, or, lorsqu’il est ingéré, le tritium peut passer sous forme organique et s’avérer radiotoxique ». Il lui semble toutefois que les risques soient limités pour un planchiste du cotentin. Il n’exclut pourtant pas qu’un jeune en croissance, naviguant régulièrement à proximité de l’émissaire (devant lequel on peut compter plusieurs milliers de Bq/L), buvant la tasse plus que de raison et consommateur de produits de la mer locaux puisse franchir la dose limite annuelle de radioactivité fixée à 1mSv pour les civils.

Le backloop énergétique

Le gouvernement libéral du japon a déjà relancé ses centrales nucléaires malgré l’opposition de sa population. Il semble que, malgré plusieurs accidents dramatiques, l’industrie nucléaire demeure ce poison invisible et sournois qui parvient toujours à faire oublier ses travers aux politiciens, alors qu’elle n’oubliera pas de se rappeler aux milliers de générations auxquelles nous léguons les déchets hautement toxiques de notre confort électrique. Le pari nucléaire a proliféré partout, avant d’avoir trouvé quoi faire des déchets, toxiques pour des milliers d’années, ou en cas d’accident, pour lequel  la responsabilité d’EDF couvrirait le rachat de quelques maisons, laissant le solde à la charge des contribuables. A Fukushima, des sdf sont payés au noir, sans suivi médical (comme les mineurs nigérians de Areva) pour racler la terre irradiée sans trop savoir qu’en faire. Chez nous, des déchets nucléaires patientent dans des piscines sous une tôle, ou dispersés dans nos routes, canalisations et dans l’acier de nos bagnoles. A l’heure du débat sur la transition énergétique Française, où se pose la question de diminuer la part du nucléaire, il sera utile de ne pas oublier ces choses là. Le nucléaire n’est ni une énergie renouvelable, ni d’avenir, ni peu chère. La dernière mine d’uranium sera tarie avant le dernier puits de pétrole. L’électricité n’est pas moins chère chez nous, elle a juste été hautement subventionnée par vos impôts, tandis que les dommages environnementaux restent à la charge de la société et que les coûts colossaux du démantèlement et du stockage à long terme ne sont pas intégrés. Par ailleurs, des économistes de l’école des mines, principale pourvoyeuse de nucléocrates, concèdent dans « Nucléaire On/off », la flambée des coûts depuis fukushima.

Vivre en pays irradié, seuls les voisins de Tchernobyl et de Fukushima en connaissent l’angoisse. Est-ce une fatalité de vivre avec la possibilité, même mince, de voir le monde qui nous entoure irradiée à jamais? Plus de nucléaire implique plus de déchets donc in fine plus de radioactivité déversée près de spots. Que faire ? L’énergie la moins chère et la plus propre est celle qui n’est pas consommée, alors chez Wind, nous avons encore une bonne idée: consommer moins et se dépenser plus.

Jours de combats contre les perturbateurs endocriniens

Rares sont les eaux, à boire ou à rider, vierges d’une contamination aux perturbateurs endocriniens (les «PE»). Ces molécules interagissent avec les organismes à de très faibles concentrations en mimant le fonctionnement des hormones. Libérés entres autres par la résine époxy, les antifoulings, le pvc, mais aussi les crèmes solaires ou les pesticides, ce sont des marqueurs très préoccupants de la pollution aquatique, dont la dangerosité ne fait plus mystère. La politique ne parvient pourtant pas à nous en protéger sous le poids des lobbys. Vincent Chanderot dans WIND

Voici enfin des études environnementales dans lesquelles les water.wo.men découvriront un enjeu qui les passionne: la taille du sexe des ours polaires norvégiens a diminué à cause des PCB. Le pénis des alligators du lac Apopka s’est rétréci à cause d’insecticides PE, au point de ne plus être fonctionnel et de faire décliner la population. Les femelles mollusques prosobranches ont vu un pénis leur pousser sous l’effet du Tributylétain des anti-foulings, causant un écroulement des populations portuaires. On ne compte même plus les cas de féminisation d’animaux à proximité des rejets d’eaux humaines en raison des hormones de la pilule contraceptive. Les perturbateurs endocriniens, naturels ou artificiels, sont présents par centaines dans tous les compartiments de l’environnement. Ils agissent chez tous les animaux sur la reproduction et le développement, mais aussi l’immunité, ils provoquent des cancers, du diabète, de l’obésité, des maladies cardiovasculaires, du crétinisme ou des troubles du comportement.

Une dose, un cocktail ?

Il suffit d’une très faible quantité d’hormone (ou de molécules se faisant passer pour elles) pour obtenir un effet. On parle d’effet-dose dès les faibles concentrations pour les PE, en contradiction avec le principe de Paracelse qui voudrait que seule « la dose fait le poison ». Mais il y a plus problématique encore, c’est l’effet cocktail, car nous sommes en permanence soumis à des substances actives, dont on a une idée des réactions qu’elles provoquent dans les organismes, mais dont on ignore tout quand elles entrent en synergie avec d’autres substances. En utilisant tout simplement un gel douche, un shampooing, un dentifrice, un déo, une mousse à raser ou la pilule, on fait bien malgré nous le plein de PE. Et pour caricaturer un peu l’eefet cocktail, mettez un mentos inoffensif dans une pauvre bouteille de coca (ou du sucre dans le désherbant), vous obtenez une vraie bombe !

Des molécules à la mer

Les PE sont fréquents dans l’air des habitations, parfois dans les sols, mais c’est in fine dans l’eau qu’ils se retrouvent. A ce titre, les espèces aquatiques et les watermen sont les plus vulnérables. Avec une biodégradabilité très faible, une production démesurée et des normes quasiment absentes, on les retrouve jusque dans les œufs des manchots de l’antarctique. Les mortels PCB, inventés par Monsanto et produits en France par Rhone-Poulenc sous l’appellation Pyralène, quoique interdits depuis des décennies, continuent de polluer des centaines de sites terrestres et fluviaux en France. La mer subit aussi: la pêche à la sardine est prohibée en Normandie en raison des PCB déversés par la Seine. Les nappes phréatiques ne sont pas non plus à l’abri, elles sont gorgées de pesticides et herbicides PE, dont le glyphosate (Monsanto encore) et l’atrazine. Nous y sommes d’autant plus exposés que la réglementation nous protège moins : les teneurs maximales autorisées en pesticides ont été multipliées par cinq depuis 2010 (avant, il suffisait d’atteindre 20% de la valeur sanitaire maximale pour valoir une interdiction temporaire, aujourd’hui il faut 100%).

Aux armes citoyens

Savez-vous pourquoi des colorants alimentaires (non PE) dont on a la quasi certitude qu’ils sont cancérigènes tels que le nitrite de sodium (E250, charcuterie) ou de dioxyde de titane (E171, colorant blanc présent partout) ne sont toujours pas bannis alors qu’on peut s’en dispenser? Il fût un temps où les vendeurs de tabac payaient des scientifiques et des politiciens pour faire accepter que la clope était sans dangers. Loin d’être révolue, cette pratique est encore très usitée au vu et au su de tous, notamment chez Monsanto pour ses OGM et son Roundup. Les Perturbateurs Endocriniens fédèrent à peu près tout ce que les couloirs parlementaires comptent de lobbies pour les défendre face aux scientifiques et aux citoyens inquiets pour leur santé. Le débat politique n’est pas neuf, même s’il fait partie des rares thématiques écologiques évoquées brièvement pendant la campagne présidentielle. Ils sont un enjeu de santé publique, écologique, et aussi un business colossal, ce qui vaut à leur règlementation d’être sans cesse retardée avec la complicité de vos dirigeants européens. En effet, nombreuses sont les industries qui perçoivent comme une contrainte la protection de la santé des consommateurs et des écosystèmes. Parmi ces corporations puissantes, les cosmétiques (phtalates, parabens), l’ameublement (ignifuges bromés dans les retardateurs de flamme, esthers de phtalates dans le PVC), l’industrie du packaging (bisphenol A, S, F), les industries pharmaceutiques, chimiques et agroalimentaires (pesticides). Il leur faudra pourtant changer parce les ravages qu’elles produisent sont plus grands qu’elles. L’enjeu de la survie des abeilles est plus important que la prospérité des producteurs de pesticides néonicotinoîdes. L’Europe, qui seule, peut faire avancer le dossier est plombée par la commission européenne et ses agences réglementaires (EFSA sécurité des aliments et ECHA produits chimiques). Ces dernières sont souvent larvées de conflits d’intérêts et manquent de transparence dans leurs arbitrages, où un poids étouffant est accordé aux études des industriels anonymes, invérifiables et partisanes.

Depuis des années maintenant, la réglementation européenne des PE bute sur la première étape, leur simple définition. Quelles sont les motivations de la commission européenne dont le texte fou, (heureusement sans cesse rejeté), verrait seulement deux des centaines de PE actuellement connus définis comme tels, tant le niveau de preuve exigé de leur danger est élevé ? Elle prévoit par ailleurs une dérogation inacceptable pour les pesticides qui seraient justement conçus pour agir sur le système endocrinien des insectes, et ce même s’ils ont des effets collatéraux sur d’autres espèces! Le kitesurfer Nicolas Hulot s’est fait décompter 51 PE dans les cheveux juste avant d’endosser les habits de ministre. Souhaitons lui de ferrailler avec fermeté et la constance qui le caractérise contre le libéralisme de la commission et de son gouvernement pour la protection de notre santé, de nos spots et de la vie qui les entoure.

Le plastique explose dans l’eau

Partir en waterstart entre un coton-tige, un tampax une seringue et quelques paillettes multicolores… Peu de choses contribuent autant que les déchets de plastique à nous faire sentir mal à l’aise sur un spot. C’est pourtant devenu aujourd’hui le pain quotidien de tous les océans, que nous évoquions déjà avec les gyres océaniques qui forment des continents de déchets. Le sort du plastique et des animaux qui se tuent à le bouffer mobilise toujours plus de monde, sans pourtant trouver de solutions. Par Vincent Chanderot dans WIND mag.

Il n’existe d’endroit plus éloigné de la terre ferme que le point Nemo, à 2700 km des côtes chiliennes. Il y flotte néanmoins jusque 26 microparticules du plastique par m3. On en trouve aussi en arctique, en antarctique, au fond de la fosse des Mariannes et aussi au sommet de l’Everest. Si les macrodéchets du type bouteilles défigurent les océans et les plages, les microplastiques, issus en partie de leur fragmentation, les contaminent sans que soient clairement identifiées toutes les conséquences.
Le recours au plastique a explosé en quelques décennies et devrait être multipliée par 3 ou 4 d’ici 2050 avec la croissance actuelle. Sur les 320 millions de tonnes de plastiques produits chaque année sur Terre, on estime que moins de 9% sont recyclés et qu’environ 10 millions de tonnes sont balancées dans les océans, soit 20 tonnes chaque minute…

Plastique pour tout le monde
La Méditerranée concentre 7% des plastiques pour une surface de seulement 1% des eaux mondiales. Le WWF y dénombrait 1,25 millions de fragments par km2. Dans les eaux ouvertes, les zones d’accumulation se trouvent au centre des gyres, les vastes tourbillons qui brossent les océans dans chaque hémisphère. Hawaï se trouve près du coeur de la gyre nord-pacifique et subit les records du « great garbage patch». Des chercheurs suisses ont compté jusque 35 débris de plus de 2,5 cm et 94 000 micro-débris par mètre carré sur ses spots qui nous font tant rêver.
Le grand tapis-roulant des courants mondiaux concentre aussi les plastiques dans les eaux polaires. Une expédition a récemment dénombré plusieurs centaines de particules plastiques piégées dans chaque m3 de banquise. C’est plutôt mal venu, car la température de fusion de la glace au plastique est plus basse, elle fond donc encore plus vite.

Plastique pour toujours.

On connaît la matière plastique pour ses incroyables applications, au point que c’en est dommage de brûler du pétrole. Ses longues chaînes carbonées sont réutilisables, recyclables presque à l’infini, c’est un matériau qui génère des déchets donc très durables. Un sac en plastique sert en moyenne 20 minutes mais peut hanter la nature pendant 450 ans. C’est en général sous la forme de macrodéchet que le plastique arrive dans l’océan, où il subit une fragmentation sous l’action des UV et de la houle. D’après la comptabilité d’une ong américaine, les trois groupes coca-cola, pepsico et nestlé seraient (co)responsables rien qu’avec leurs emballages de la moitié de la pollution plastique océanique. Une fois morcelés, les déchets ne sont plus visibles mais ils ne disparaissent pas pour autant, ils alimentent une soupe de microparticule qui finit parfois par couler et submerger les fonds océaniques.

La masse manquante
Il semblerait que les fragments entre quelques millimètres et 2 centimètres soient sous-représentés par rapport aux attentes. Un lien avec leur ingestion par les animaux ne serait pas à exclure. Cela peut sembler cohérent au vu des innombrables résultats d’eutopsies pratiquées sur les cétacés, tortues ou oiseaux: 90% des volatiles marins du globe ont l’estomac rempli de bouts de plastique. Alléchés par l’odeur du DMS (dimétylsulfure), marqueur de la dégradation du phytoplancton et signature typique de « l’odeur de mer » que dégage tout bout de plastique ayant un peu navigué, ils peuvent se gaver de plusieurs dizaines de débris, occasionnant souvent des occlusions intestinales. Selon la navigatrice Isabelle Autissier, du WWF, «Ils ont l’impression d’avoir bien mangé et en fait ils n’ont rien mangé du tout et ils vont mourir de faim». Les sacs plastiques sont confondus avec des méduses et provoquent des étouffements de tortues ou de poissons. Les restes de filets abandonnés continuent de tuer quantité d’êtres vivants et parfois d’handicaper gravement des jeunes qui se seraient coincé la tête ou le corps dans les mailles (ou les anneaux à canettes de bière pour la tortue Peanut).

Probleme ou pas ?
Il est probable que toutes ces particules posent un problème environnemental voire sanitaire, mais les risques font encore l’objet de recherches. Toutefois plusieurs études ont déjà souligné les perturbations de la croissance, de la reproduction et du système endocrinien des invertébrés marins. La «plastisphère» a envahi la chaine alimentaire et nous y sommes exposés: le WWF rappelle qu’un français moyen engloutirait jusque 11 000 fragments par an et les analyses des « Que choisir » révèlent que la majorité des coquillages, crustacés et sels de table contiennent des microplastiques. Les particules peuvent contenir des additifs (phtalates, bisphénols) dangereux pour les êtres vivants. Ils se comportent aussi comme des éponges à substances toxiques (PCB, HAP) et pourraient contribuer in fine à leur bioaccumulation dans les organismes.

Mais que fait la police ?
C’est la grave lacune des sacs en plastique oxo-fermentables
La conquête des océans n’est pas redevable qu’aux marins qui laisseraient traîner leurs vieux filets et leurs déchets. Plus de 80% des plastiques proviennent de la terre ferme, parce que négligés, mal récoltés, pas valorisés. Les fleuves, les inondations et dans une moindre mesure les tsunamis sont les principaux vecteurs de plastiques océaniques. Les océans souffrent de la surconsommation, mais tout le monde est coupable, même les honnêtes gens qui ne balancent pas leurs déchets dans la nature: une part considérable des microplastiques provient du lavage ses vêtements synthétiques (500 000 microfibres polyester pour une machine), du dentifrice, de la crème solaire et les pneus. La friction de ces derniers est une cause importante de pollution des eaux comme de l’air des villes aux particules fines. Une étude toute fraîche vient de démontrer de façon inattendue que cette pollution plastique atmosphérique affectait au même niveau le sol de zones reculées des Pyrénées que le coeur des mégapoles.

Positive attitude
Il existe quelques petits projets de collecte océanique, mais ils ne sauraient constituer une réponse au flot colossal de plastique. Des innovations néfastes telles que les sacs oxo-fermentables compliquent encore le problème (ils se dégradent rapidement en petites particules, ce qui revient au même, mais nous ne disons pas que tous les sacs compostables sont bons à jeter!). Il n’y a pas d’autre issue que de consommer moins, notamment les produits (sur)emballés, qui représente 30% des plastiques et sont souvent peu recyclés. En session comme dans la vie, l’eau du robinet devrait remplir les bouteilles, les fruits secs et les noix en vrac remplacer les barres énergétiques triplement packagées. Tous les plastiques sont recyclables, mais la filière n’est souvent pas mise en oeuvre et le geste de tri pas systématique alors qu’il est si simple. Comment peut-on encore jeter à la poubelle des cannettes, du verre, du carton et tous ces plastiques qui valent de l’or? Seuls 22% des plastiques sont recyclés en France. Pour aider au tri, on trouve des indications sur les étiquettes (attention le point vert avec les flèches ne signifie rien) et tous les récipients plastiques sont gravés d’un petit triangle flèché (♻️) avec un chiffre et des lettres. Trois désignent des plastiques à trier systématiquement: le n°1 (PET, souvent dans les bouteilles), le n°2 (PEHD, polyéthylène haute densité des les briques et autres), le n°5 (PP, polypropylène). Pour l’instant un tiers des français peut aussi trier les autres (le 3-PVC, le 4 PE-LD, et le 6-PS polystyrène). Les composites d’epoxy ou de polyester ne sont pas recyclables mais constituent des volumes importants de déchets dans le nautisme et le windsurf. Il doivent être déposés dans des déchetteries spécialisées, à trouver auprès de l’APER, association pour une plaisance responsable. Si tout cela vous semble insuffisant, vous avez raison, profitez donc des élections européennes pour passer le message à votre candidat. Le plastique mondialisé nécessite une stratégie globale qui va bien au-delà de quelques projets utopiques de collecte.