La découverte d’un nouveau support, c’est toujours le bonheur de quelques galères et de bons crashs. Aussi pour tirer vos premiers bords, vous seriez bien avisés de choisir votre spot en fonction du goût et de la propreté de son eau ! Quelques informations sont disponibles mais la règlementation va très bientôt évoluer. On va enfin nous demander notre avis, c’est un rendez-vous à ne pas manquer ! Par Vincent Chanderot (2011-2020 )dans Kitesurf mag, WIND, Kiteboarder, WingSurf.
Après la découverte de traces d’ARN de coronavirus dans des réseaux d’eaux usées, nombreux sont ceux à s’être interrogés sur le risque de contamination à la plage. Quelques études, dont une menée par l’Ifremer, n’y ont pas révélé la présence du virus, laquelle reste peu probable, même s’il n’existe encore aucune donnée sur la persistance du SARS-CoV-2 dans l’eau de mer.
Le conseil supérieur de la recherche scientifique espagnole estime que par analogie avec des virus similaires connus, l’effet de dilution et la salinité provoquent vraisemblablement une diminution de la charge virale et l’inactivation du coronavirus. Le risque de contamination le plus important est assurément de tchatcher entre planchistes sans distanciation.
A l’occasion du déconfinement, des villes telles que Cannes, ont désinfecté le sable des plages (pourtant inaccessibles pendant deux mois) à l’eau oxygénée. Ces opérations coûteuses et totalement inutiles (le Haut conseil de la santé publique a émis un avis défavorable à l’encontre de cette pratique) sont en plus néfastes pour l’environnement. Les plages sont des écosystèmes fragiles dont la vie grouillante est facilement décimée par les biocides. Un village andalou s’est « excusé de sa stupidité » d’avoir eu recours à l’eau de javel pour la même opération. L’utilisation massive de javel dans nos rues n’est pas moins problématique : outre qu’elle décime les bons et les mauvais, la javel s’est ensuite retrouvée en quantité dans les cours d’eau et les stations d’épuration, dont elle nuit évidemment à la qualité du traitement bactérien.
Pas de contrôles pour le ride
Le bulletin de qualité de l’eau de baignade, certains n’en ont que faire : hors de question de renoncer à une bonne session seulement parce qu’une pastille rouge prévient d’un risque de pollution. Il est vrai que nous avons l’habitude de faire sans : le ministère de la santé ne se préoccupe guère de la situation qu’au cœur de l’été, nous laissant seuls à la merci des bactéries les 10 mois restants, habituellement les plus lessivés par les pluies. Il est vrai également que les évaluations considèrent seulement deux paramètres bactériologiques, faisant fi des pesticides, des nitrates, des détergents, des métaux lourds, des PCB, des hydrocarbures, des plastiques, des microalgues ou encore de la radioactivité… Tous les sites de Fos, Berre ou de Jobourg sont systématiquement très bien notés… Enfin, le classement concerne exclusivement les zones pour baigneurs. Les spots sans baignade tels que La Ganguise, Monteynard, La Nautique ou l’étang de Leucate ne font pas l’objet d’un suivi baignade et les conclusions valables pour une zone de bain ne le sont pas forcément pour la zone windsurf voisine : une mesure excellente peut tout à fait s’obtenir à quelques dizaines de mètres d’une zone polluée.
La pêche à l’info
La qualité des eaux peut être consultée en mairies ou aux postes MNS. Le site www.baignades.santé.gouv.fr permet de consulter, pour tous les sites de France, l’historique des classements annuels ainsi que les derniers relevés. Un spot bien noté « à l’année » n’est jamais à l’abri d’une pollution ponctuelle et inversement, un spot dans le fond du classement peut parfois obtenir de bons résultats. La note saisonnière avertit du seul risque de contamination par les bactéries fécales, qui filent la gastro en buvant la tasse, mais aussi, après tout, de la possibilité de rencontrer des souches antibiorésistantes. L’élevage industriel et la médecine humaine génèrent une consommation délirante et dangereuse d’antibiotiques, au point d’en rendre certains inefficaces. Grâce à eux, 25 000 Européens décèdent chaque année d’infections, certes essentiellement nosocomiales. Les fermetures de baignades sont le plus souvent causées par des réseaux d’assainissement insuffisants ou les fortes pluies. Les ruissellements et les crues emportent tout à la mer et les stations d’épuration peuvent être prises en défaut. Il faut ensuite 2 jours pour obtenir les résultats d’analyses, aussi une interdiction de baignade peut se prolonger tandis que les conditions sont de retour à la normale.
Grille de lecture
La note annuelle de la qualité des eaux est appréciée pour deux marqueurs (entérocoques et Escherichia Coli) à la lumière des 4 derniers étés. Cette linéarisation donne une idée de la qualité générale d’un spot, tout en diluant d’éventuels accidents isolés qui plomberaient les résultats. 10 jours de fermeture en raison de pluies exceptionnelles, c’est très important sur une saison, de quoi dégrader la note d’une plage, mais beaucoup moins sur 4 saisons, en particulier si l’événement est exceptionnel. Cela peut éviter d’effaroucher des touristes suite à un été très pluvieux par exemple, mais aussi, à contrario, diminuer la vigilance à l’encontre d’un spot réputé propre mais ponctuellement pollué. Un site mal noté sur les dernières années peut afficher de bons résultats après des mesures drastiques, mais son score restera plombé par ses antécédents.
Les sites dont la qualité est jugée « insuffisante » resteront fermés pendant la saison suivante et la mairie devraproposer des solutions. Parfois elle se contentera, devant la difficulté, d’interdire la baignade ou de supprimer le site (« le délistage »), une solution qui n’est pas admissible. Le site baignades du ministère met à disposition de tous les « profils de plages » permettant d’identifier les sources de pollutions. Toutes les baignades du Cap Ferrat sont fermées cette année, pour n’avoir pas fourni ces documents d’information au public. L’Agence Européenne de l’Environnement vient tout juste de publier son rapport sur la qualité des eaux des 27 pays membres pour 2019. Les classements restent stables avec une moyenne de 85% sites de qualité excellente. La France est toujours à la traîne, pointant à la 20è place avec 79%, loin, loin derrière Chypre et ses 99%.
Tous ensemble pour la prochaine directive
Une consultation européenne aura bientôt lieu, afin de faire évoluer les textes réglementant la qualité des eaux de baignade. L’OMS a déjà émis la recommandation de voir les contrôles s’étendre à davantage de paramètres, dont les blooms algaux et les cyanobactéries. La communauté des riders doit faire entendre sa voix sur ses besoins de protection. Afin que les analyses soient élargies dans l’espace (sur les spots) et dans le temps (toute l’année). Afin de faire mesurer l’exposition des riders aux substances chimiques et étudier leurs effets cocktails. La Surfrider Foundation mène des actions de lobbying dans ce sens auprès de l’UE et nous fournira une assistance dans cette consultation.