Dans les petits secrets de la protection solaire

Votre mère vous le répète depuis votre naissance et elle a raison : protégez-vous du soleil ! Ce rabâchage n’est pas innocent, puisque malgré la notoriété de la dangerosité des UV, rares sont les adultes à savoir s’en préserver correctement. Au point que 20% des américains devraient développer un cancer de la peau. Voici les clés pour bronzer intelligent et propre, car il est avéré que certains composants des crèmes solaires sont toxiques pour le corail et pour la santé.

Par Vincent Chanderot 2014-2020 Kiteboarder, Wind, Wingsurf mag, avec la complicité de Cathy Kolditz, PhD, directrice de recherches, Laboartoire Innovescence.

Quelques minutes au soleil suffisent à la production de vitamine D et à redonner le moral. Plus, selon les médecins, ce serait inutile voire dangereux, mais qui fait ça? Comment résister à une session ensoleillée interminable quand les belles journées se sont faites tellement attendre ?

Des précautions qui ne font pas notre affaire

Lisez les recommandations suivantes des dermatologues et comparez-les à vos habitudes. Que ceux qui font tout comme il faut nous écrivent, ils ont gagné !

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Le thermique de l’été souffle pendant le maximum solaire

Mieux vaudrait éviter une exposition au soleil d’été lorsqu’il croise à son paroxysme, entre 12h et 16h. Justement aux heures pendant lesquelles les brises se déclenchent et marquent le début de la navigation! S’il est impossible de résister (et qui résiste ?), les dermatologues préconisent une session réduite à une petite demi-heure avec une bonne protection. En effet, le plan d’eau réverbère les UV et les gouttes sur la peau font effet de loupe.

Ce temps d’exposition étant intenable, on optera pour une protection forte : des vêtements couvrants, un chapeau et la crème, renouvelée autant que possible. Les produits solaires sont efficaces, mais plongés dans l’eau ils se dispersent très rapidement : en général 25% de perte au premier bain, et le test mené par « Que choisir » démontre que l’allégation Waterproof est souvent mensongère.

Ils doivent être appliqués une à deux fois par heure sur qui se contenterait de faire la crêpe sur la plage, aussi dans la pratique des sports d’eau, entre immersions, éclaboussures, embruns et transpiration, les applications devraient se voir multipliées.

Oublier la navigation torse nu

Pour le corps, on n’a pas trouvé mieux que le lycra manche longue (un Tshirt en coton mouillé ne protège pas des UV), l’intégrale ou le burkini. Pour le visage, puisque la mode chinoise du Facekini ne prend pas ici, il n’y a pas d’alternative aux bob-lunettes-crème ou stick. Il est recommandé de les appliquer dès le printemps jusqu’au début de l’automne, du matin jusqu’au soir. Le stick adhère parfois mieux mais attention, en ne l’étalant pas on a tendance à négliger certaines zones. Le nez et les pommettes concentrent souvent l’attention quand le reste du corps est moins protégé, surtout par les garçons. Les fabricants préconisent 36g pour tout le corps à chaque application … c’est quasiment un tube par jour pour une kiteuse qui voudrait rester en bikini toute la journée!

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Le degré de protection se choisit en fonction du phototype de sa peau et de la météo, avec l’index UV Météo France, car même une couverture nuageuse importante ne dispense pas de protection. La dénomination « écran total » étant interdite puisque mensongère, on choisira des produits SPF 50+ qui n’auront pas passé des années dans la boîte à gants : ils peuvent être moins efficaces et contenir de la benzophénone, une molécule dangereuse qui se forme à partir d’octocrylène, un filtre très utilisé, même par les grandes marques. Certaines prétendent à propos des indices SPF qu’il s’agit d’un facteur de multiplication du temps d’exposition possible. C’est trompeur et dangereux. Il s’agit en réalité du taux d’UVB transmis (%=100/SPF), qui révèle une différence faible entre les indices 30 et 50. La peau peut être préparée naturellement à affronter les rayons solaires grâce à une alimentation riche en antioxydants etβcarotènes. Vivent donc les carottes crues, épinards, melons, salades, maïs et thé vert. Une visite annuelle chez le dermato est raisonnable (plus encore pour les roux), afin d’y détecter carcinomes ou mélanomes malins. Le cancer de la peau touche beaucoup de jeunes et son pronostic vital est très défavorable s’il n’est pas diagnostiqué à temps. Il s’agit de la première cause de mortalité due au crabe chez les moins âgés, preuve qu’il est trop souvent pris à la légère alors qu’il s’agit du plus facile à repérer.

Un tube de crème par jour pour une rideuse adepte du bikini (c)Capucine Delannoy par Frankie Bees

Filtres solaires

Les cosmétiques industriels sont truffés de molécules aux noms barbares, dont les fabricants ne connaissent pas toujours l’impact sur la santé et l’environnement. Les produits solaires ne dérogent pas à la tradition et on y retrouve des nanoparticules ainsi que des produits pétrochimiques. Ils emploient des filtres UV chimiques, minéraux ou les deux. Les chimiques sont absorbés par la peau et doivent être appliqués 30 min avant l’exposition. Les minéraux réfléchissent quant à eux immédiatement les UV, il peut s’agir de micas ou sulfate d’aluminium, mais le plus souvent d’oxydes de Zinc (ZnO) et de dioxyde de Titane (TiO2), que l’on peut trouver sous forme micro ou nano-particulaire. Des études du CEA ont souligné les probables capacités des nanoparticules à pénétrer l’organisme et produire des radicaux libres pouvant dégrader l’ADN. L’Afssaps recommande de proscrire les produits contenant des TiO2 Nano sur les peaux abîmées ou frappées de coups de soleil, et de ne pas utiliser les sprays sur le visage afin d’éviter leur inhalation. Ces molécules peuvent franchir les muqueuses ou emprunter le nerf olfactif pour s’accumuler dans le cerveau. Ces composants sont aujourd’hui sous surveillance en vertu du règlement cosmétique européen, qui impose d’évaluer la toxicité pour l’humain de chaque molécule. TiO2 se retrouvait aussi dans l’alimentation sous le nom E171 jusqu’à son interdiction en 2020. Ce filtre est généralement celui des crèmes Bio, bien qu’il existe d’autres filtres totalement naturels, mais plus chers, tels que les caroténoïdes et certains phytostérols trouvés dans l’huile de pépins de framboise, de karanja, d’argousier ainsi que le macérat de carotte ! Les structures nano de TiO2 évitent les traces blanches, aussi n’y a-t-il pas beaucoup de mystère quand une crème à filtre minéral devient translucide à l’application. La réciproque n’est pas forcément vraie :  si l’adjonction de nano doit obligatoirement être signalée (par « BP2 » sur l’emballage et « nano »), l’absence de mention nano ne signifie pas que la crème n’en contient pas. Des nano peuvent se former spontanément à partir du TiO2 micro sans avoir été incorporés volontairement.

Dès son plus jeune âge, capucine D multi championne du monde a protégé sa peau à longueur d’année puis l’a hydratée en fin de session afin d’éviter un vieillissement accéléré. (c)Bees

Conservateurs

Les parabènes entrent encore dans certaines compositions et peuvent poser des problèmes lorsqu’ils dotés de chaînes longues (Butyl et propyl). Ceux à chaîne courte ayant été innocentés. Il s’agit de conservateurs, dont le rôle dans tous les cosmétiques contenant de l’eau est d’éviter les proliférations bactériennes. Certains agissent comme perturbateurs endocriniens et leur impact environnemental est considérable. Les coraux mis en leur présence meurent immédiatement. Ces molécules ne sont pas filtrées par les stations d’épuration après la douche, elles se retrouvent systématiquement dans la mer. A noter qu’une crème pour enfants ou une grande marque n’apporte aucune garantie de salubrité ni d’efficacité. Lisez bien les étiquettes en vous aidant au besoin d’applications (My cosmetics de l’UFC Que Choisir). Certains parabènes ont été remplacés par le MIT et MCIT qui sont bien pires, mais désormais interdits sur les produits non-rincés. On gagnerait à les éradiquer aussi de tous les shampoings en ne les achetant plus jamais.

Des crèmes solaires détruisent le corail

L’oxyde de Zinc, utilisé comme filtre UV est bien connu pour être classé « dangereux pour l’environnement » et « très toxique pour les organismes aquatiques » : c’est écrit sur les pots d’antifouling de bateaux. Cela n’empêche pourtant pas les fabricants de l’utiliser dans les crèmes waterproof depuis des décennies. Une étude italienne jetait un pavé dans la mare il y a dix ans, en démontrant que certains des composants les plus fréquents des crèmes solaires conduisent à un blanchissement immédiat et irréversible du corail. A de très faibles concentrations, butylparaben, octinoxate, 4-methylbenzylidine Camphre ou Benzophénone-3 activent des virus dormants qui détruisent les zooxanthelles, les algues symbiotiques qui réalisent la photosynthèse dans le corail. Ce mécanisme est également déclenché par des pesticides et des hydrocarbures, qui peuvent agir de concert avec les crèmes solaires dans un vaste massacre. Pour ne rien arranger, beaucoup d’autres cosmétiques (eaux de toilette, shampoings, rouge à lèvres…) contiennent inutilement de l’octinoxate, qui est un filtre UV, dont on sait qu’il perturbe aussi le fonctionnement oestrogénique et thyroïdien chez l’homme. L’oxybenzone des crèmes est un perturbateur endocrinien du corail qui provoque l’étouffement des jeunes pousses. A en croire Roberto Danovaro de l’université d’Ancône, les milliers de tonnes de filtres UV qui se retrouvent chaque année dans les mers menaceraient directement 10% des coraux du globe. Pour les autres, il reste le réchauffement climatique, l’acidification des eaux et l’urbanisation.

(c) Gaby Steinl

Peut-être une ou deux bonnes nouvelles

L’archipel de Hawaii interdit en 2021 l’utilisation des crèmes à l’oxybenzone et octinoxate (70% des crèmes) avant la baignade. Les îles Palaos en Micronésie ont banni depuis 2020 l’entrée sur le territoire de crèmes contenant oxybenzone, octocrylene et parabens.

De nombreuses marques de cosmétiques se sont depuis engouffrées dans la brèche commerciale des produits corail-friendly et il ne s’agit pas forcément de greenwashing. Le filtre est généralement le TiO2, mais sans nanoparticules ajoutées. Ces produits ne sont pas forcément Bio pour autant, et rappelons le, ce label ne signifie pas que le produit soit neutre pour l’environnement. Les oxydes métalliques sont des produits toxiques et pourtant tout ce qu’il y a de plus naturels!

Une fois encore, la Nature vient à la rescousse de ses enfants, mais cette fois, ce sera peut-être le corail qui se sauvera lui-même. Des scientifiques du King’s college de Londres ont décrypté la voie de la biosynthèse des MAAs (les acides aminés microsporine-like) chez les zooxanthelles des coraux. Ces molécules de structure annulaire sont bien connues pour leurs propriétés antioxydantes et leur absorption des UV chez les microorganismes. Les chercheurs estiment qu’il sera possible de se protéger du soleil, mais sans bronzer, en avalant des cachets de ces molécules obtenues par génie génétique. Miam-miam !

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