Partir en waterstart entre un coton-tige, un tampax une seringue et quelques paillettes multicolores… Peu de choses contribuent autant que les déchets de plastique à nous faire sentir mal à l’aise sur un spot. C’est pourtant devenu aujourd’hui le pain quotidien de tous les océans, que nous évoquions déjà avec les gyres océaniques qui forment des continents de déchets. Le sort du plastique et des animaux qui se tuent à le bouffer mobilise toujours plus de monde, sans pourtant trouver de solutions. Par Vincent Chanderot dans WIND mag.
Il n’existe d’endroit plus éloigné de la terre ferme que le point Nemo, à 2700 km des côtes chiliennes. Il y flotte néanmoins jusque 26 microparticules du plastique par m3. On en trouve aussi en arctique, en antarctique, au fond de la fosse des Mariannes et aussi au sommet de l’Everest. Si les macrodéchets du type bouteilles défigurent les océans et les plages, les microplastiques, issus en partie de leur fragmentation, les contaminent sans que soient clairement identifiées toutes les conséquences.
Le recours au plastique a explosé en quelques décennies et devrait être multipliée par 3 ou 4 d’ici 2050 avec la croissance actuelle. Sur les 320 millions de tonnes de plastiques produits chaque année sur Terre, on estime que moins de 9% sont recyclés et qu’environ 10 millions de tonnes sont balancées dans les océans, soit 20 tonnes chaque minute…
Plastique pour tout le monde
La Méditerranée concentre 7% des plastiques pour une surface de seulement 1% des eaux mondiales. Le WWF y dénombrait 1,25 millions de fragments par km2. Dans les eaux ouvertes, les zones d’accumulation se trouvent au centre des gyres, les vastes tourbillons qui brossent les océans dans chaque hémisphère. Hawaï se trouve près du coeur de la gyre nord-pacifique et subit les records du « great garbage patch». Des chercheurs suisses ont compté jusque 35 débris de plus de 2,5 cm et 94 000 micro-débris par mètre carré sur ses spots qui nous font tant rêver.
Le grand tapis-roulant des courants mondiaux concentre aussi les plastiques dans les eaux polaires. Une expédition a récemment dénombré plusieurs centaines de particules plastiques piégées dans chaque m3 de banquise. C’est plutôt mal venu, car la température de fusion de la glace au plastique est plus basse, elle fond donc encore plus vite.
Plastique pour toujours.
On connaît la matière plastique pour ses incroyables applications, au point que c’en est dommage de brûler du pétrole. Ses longues chaînes carbonées sont réutilisables, recyclables presque à l’infini, c’est un matériau qui génère des déchets donc très durables. Un sac en plastique sert en moyenne 20 minutes mais peut hanter la nature pendant 450 ans. C’est en général sous la forme de macrodéchet que le plastique arrive dans l’océan, où il subit une fragmentation sous l’action des UV et de la houle. D’après la comptabilité d’une ong américaine, les trois groupes coca-cola, pepsico et nestlé seraient (co)responsables rien qu’avec leurs emballages de la moitié de la pollution plastique océanique. Une fois morcelés, les déchets ne sont plus visibles mais ils ne disparaissent pas pour autant, ils alimentent une soupe de microparticule qui finit parfois par couler et submerger les fonds océaniques.
La masse manquante
Il semblerait que les fragments entre quelques millimètres et 2 centimètres soient sous-représentés par rapport aux attentes. Un lien avec leur ingestion par les animaux ne serait pas à exclure. Cela peut sembler cohérent au vu des innombrables résultats d’eutopsies pratiquées sur les cétacés, tortues ou oiseaux: 90% des volatiles marins du globe ont l’estomac rempli de bouts de plastique. Alléchés par l’odeur du DMS (dimétylsulfure), marqueur de la dégradation du phytoplancton et signature typique de « l’odeur de mer » que dégage tout bout de plastique ayant un peu navigué, ils peuvent se gaver de plusieurs dizaines de débris, occasionnant souvent des occlusions intestinales. Selon la navigatrice Isabelle Autissier, du WWF, «Ils ont l’impression d’avoir bien mangé et en fait ils n’ont rien mangé du tout et ils vont mourir de faim». Les sacs plastiques sont confondus avec des méduses et provoquent des étouffements de tortues ou de poissons. Les restes de filets abandonnés continuent de tuer quantité d’êtres vivants et parfois d’handicaper gravement des jeunes qui se seraient coincé la tête ou le corps dans les mailles (ou les anneaux à canettes de bière pour la tortue Peanut).
Probleme ou pas ?
Il est probable que toutes ces particules posent un problème environnemental voire sanitaire, mais les risques font encore l’objet de recherches. Toutefois plusieurs études ont déjà souligné les perturbations de la croissance, de la reproduction et du système endocrinien des invertébrés marins. La «plastisphère» a envahi la chaine alimentaire et nous y sommes exposés: le WWF rappelle qu’un français moyen engloutirait jusque 11 000 fragments par an et les analyses des « Que choisir » révèlent que la majorité des coquillages, crustacés et sels de table contiennent des microplastiques. Les particules peuvent contenir des additifs (phtalates, bisphénols) dangereux pour les êtres vivants. Ils se comportent aussi comme des éponges à substances toxiques (PCB, HAP) et pourraient contribuer in fine à leur bioaccumulation dans les organismes.
Mais que fait la police ?
C’est la grave lacune des sacs en plastique oxo-fermentables
La conquête des océans n’est pas redevable qu’aux marins qui laisseraient traîner leurs vieux filets et leurs déchets. Plus de 80% des plastiques proviennent de la terre ferme, parce que négligés, mal récoltés, pas valorisés. Les fleuves, les inondations et dans une moindre mesure les tsunamis sont les principaux vecteurs de plastiques océaniques. Les océans souffrent de la surconsommation, mais tout le monde est coupable, même les honnêtes gens qui ne balancent pas leurs déchets dans la nature: une part considérable des microplastiques provient du lavage ses vêtements synthétiques (500 000 microfibres polyester pour une machine), du dentifrice, de la crème solaire et les pneus. La friction de ces derniers est une cause importante de pollution des eaux comme de l’air des villes aux particules fines. Une étude toute fraîche vient de démontrer de façon inattendue que cette pollution plastique atmosphérique affectait au même niveau le sol de zones reculées des Pyrénées que le coeur des mégapoles.
Positive attitude
Il existe quelques petits projets de collecte océanique, mais ils ne sauraient constituer une réponse au flot colossal de plastique. Des innovations néfastes telles que les sacs oxo-fermentables compliquent encore le problème (ils se dégradent rapidement en petites particules, ce qui revient au même, mais nous ne disons pas que tous les sacs compostables sont bons à jeter!). Il n’y a pas d’autre issue que de consommer moins, notamment les produits (sur)emballés, qui représente 30% des plastiques et sont souvent peu recyclés. En session comme dans la vie, l’eau du robinet devrait remplir les bouteilles, les fruits secs et les noix en vrac remplacer les barres énergétiques triplement packagées. Tous les plastiques sont recyclables, mais la filière n’est souvent pas mise en oeuvre et le geste de tri pas systématique alors qu’il est si simple. Comment peut-on encore jeter à la poubelle des cannettes, du verre, du carton et tous ces plastiques qui valent de l’or? Seuls 22% des plastiques sont recyclés en France. Pour aider au tri, on trouve des indications sur les étiquettes (attention le point vert avec les flèches ne signifie rien) et tous les récipients plastiques sont gravés d’un petit triangle flèché (♻️) avec un chiffre et des lettres. Trois désignent des plastiques à trier systématiquement: le n°1 (PET, souvent dans les bouteilles), le n°2 (PEHD, polyéthylène haute densité des les briques et autres), le n°5 (PP, polypropylène). Pour l’instant un tiers des français peut aussi trier les autres (le 3-PVC, le 4 PE-LD, et le 6-PS polystyrène). Les composites d’epoxy ou de polyester ne sont pas recyclables mais constituent des volumes importants de déchets dans le nautisme et le windsurf. Il doivent être déposés dans des déchetteries spécialisées, à trouver auprès de l’APER, association pour une plaisance responsable. Si tout cela vous semble insuffisant, vous avez raison, profitez donc des élections européennes pour passer le message à votre candidat. Le plastique mondialisé nécessite une stratégie globale qui va bien au-delà de quelques projets utopiques de collecte.