La combi noire passe au vert

Quatre fabricants remplaceront le néoprène des combis par du caoutchouc. Pendant que les spécialistes du marketing tentaient de nous convaincre que le limestone était la panacée écolo (voir Wind n°368), les pionniers développaient la combinaison en matériaux renouvelables. Patagonia a ouvert la voie et les frenchies, en s’y engouffrant, lui permettront peut être de prendre son envol.

Mise à jour : Le marché à calmé très vite certains prétendants, la combi hévéa étant trop chère. Sooruz est revenu au limestone, mélangé à de la poudre d’huitre. Picture aussi, avec une haute dose d’un matériau de charge issu de la pyrolise de pneu : 30% de carbon black. Patagonia continue sur sa lancée, tandis que Yulex a trouvé un débouché surprenant : décathlon.

Bien malin qui saura reconnaître à l’aveugle une combinaison en latex. C’est une alternative soutenable, confortable et viable au néoprène traditionnel. Le polychloroprène de nos combis fait une utilisation plutôt intelligente du pétrole, mais  les ravages dus à son extraction, transport et transformation en font un produit nuisible à l’environnement. Le néoprène peut aussi être obtenu sans pétrole par cuisson de roches calcaires, mais au prix un process destructeur et énergivore. Aussi le latex sonne comme une évidence, à se demander pourquoi il n’a pas intéressé plus tôt.

De la sève du Guayule à celle de l’hévéa

La première génération de combi bio est le fruit des travaux de Patagonia avec la société Yulex spécialisée dans le caoutchouc naturel purifié. La sève du guayule, un buisson mexicain très rustique pouvant pousser dans des terres pauvres en nutriments et en eau, s’est avérée d’autant plus intéressante qu’elle est naturellement hypoallergénique. Cette première Yulex était chaude, mais assez éloignée du néoprène dont nous avons l’habitude de part sa densité. Ce léger embonpoint lui permettait de s’affiner d’1mm, en contrepartie d’un stretch en retrait. Les quantités disponibles et surtout la nécessité de le mélanger à 40% de polychloroprène pour obtenir une mousse satisfaisante ont conduit Patagonia à abandonner le guayule au profit de l’hévéa. Son latex très différent nécessite un raffinage pour en retirer les allergènes, mais peut être utilisé quasiment pur dans la mousse. Seuls 10-15% d’un caoutchouc synthétique y sont ajoutés à des fins élastiques et de protection contre les UV. Les nouvelles mousses en hévéa restent légèrement plus lourdes mais sont bien plus souples. Le caoutchouc Yulex© a été utilisé par Soöruz, puis est devenu exclusif à Patagonia. Le charentais utilise désormais, comme bientôt Picture Organics (et Vissla), le Naturalprene© de la compagnie Sheico, qui développe et fabrique une grande partie des combis du marché (dont aussi les Patagonia en Yulex soit dit en passant).

Empreinte écologique

Le recyclage des combinaisons latex n’est toujours pas possible, en raison de ce mélange bi-matières. Il implique aussi le décollement des doublures, une opération longue et coûteuse. En dépit de ce détail, Patagonia estime réduire de 80% l’empreinte carbone de la fabrication des combis avant même le rapprochement des sources de latex des usines Sheico (du Guatemala à Ceylan pour Yulex, Malaisie pour Naturalprene). On parle ici d’économies de quelques centaines de grammes de CO2, des cacahuètes au regard du Bilan Carbone d’une session. Mais il faut considérer le gain sur le volume mondial, et au delà du paramètre CO2, les pollutions évitées et surtout la mise en place d’une dynamique responsable. Car on doit souligner que cette démarche ne souffre pour une fois pas du greenwashing auquel nous assistons souvent. En effet, les trois fabricants ne sont pas des nouveaux venus sur ce créneau et ils s’inscrivent dans un projet écologique  cohérent. La preuve : l’ensemble de leur gamme de combinaisons se nourrit de cette démarche écoresponsable et pas seulement un ou deux produits comme on l’observe chez d’autres. L’utilisation de matériaux durables est poussée au maximum et en amélioration continue. Une combi c’est la mousse mais aussi des jerseys, ils font donc  appel de très bonnes doublures en polyester recyclé à des taux plus ou moins importants.

Doublures et coutures

Cette moquette intérieure a vocation à être douce, sécher vite et piéger l’air. Recyclée, elle s’avère extrêmement agréable et souple, cependant tous n’ont pas choisi le même tissu. Soöruz et Picture utilisent partout du polyester 100% recyclé, comme ils le font sur leurs boardshorts, tandis que Patagonia conserve 50% de tissu de synthèse pour le buste. Hub Hubbard, le responsable des combis nous confie que c’est une caractéristique imposée à leur « fluffy stuff » qui se veut particulièrement chaud et à séchage plus rapide. Il ne désespère pas non plus de réutiliser un jour la laine qu’il juge excellente, mais cela semble compromis pour longtemps après la révélation par l’association Peta des tortures insoutenables infligées aux agneaux et moutons par leur fournisseur, Ovis 21, un promoteur du bien être animal! (Nous avons lu le nouveau cahier des charges « PWS », il semble très strict). Soöruz et Picture sont les seuls à opter pour des colles aqueuses sans solvants dans la lamination, afin de soulager un peu les usines des composés organiques volatiles (COV) toxiques, mais la colle néoprène classique reste utilisée pour l’assemblage des panneaux.

Le caoutchouc écologique ?

Le caoutchouc de synthèse additionné au latex existe sous une forme biosourcée que seul Picture emploie cette année. Soöruz et Patagonia attendent un peu. Fera-t-on ensuite encore mieux ? Certainement, car le l’hévéa, tout naturel qu’il est peut générer des désastres environnementaux et sociaux. On évoque souvent la déforestation dramatique due à la monoculture du palmier à huile, mais celle de l’hévéa suit le même chemin. Chaque année voit  200.000 ha supplémentaires plantés, souvent au détriment des forêts primaires et de leurs habitants. Rien n’arrête les planteurs, pas même les parcs naturels : 70% de la réserve de Snoul au Cambodge fut dévorée en 4 ans. Les pneus Firestone se sont aussi fait remarquer pour les conditions de travail sordides imposées à leurs ouvriers-saigneurs libériens, exploités comme des esclaves. Pour Hub Hubbard, connaître l’origine de son latex n’a pas de prix, aussi (pour un prix modique, dit-il), leur latex est-t-il issu de plantations certifiées FSC par la Rainforest Alliance. Ceci afin de s’assurer qu’il ne contribue ni à la déforestation ni à la paupérisation des travailleurs. Le Forest Stewardship Council est le standard d’exploitation forestière le plus élevé, cependant il y a régulièrement des failles dans la certification. On se souvient que la Rainforest a certifié des bois rares pillés à Madagascar pour les guitares Gibson, mais ce genre de malversations est toujours en lien avec la pression du client, or on peut difficilement soupçonner Patagonia de trahir son modèle pour augmenter ses profits. Soöruz et Picture n’ont pas accès au Yulex FSC et malgré leur volonté, ils sont encore tributaires du bon vouloir de Sheico de s’approvisionner auprès de sources durables. Impossible aujourd’hui de savoir si ce latex provient ou non de la déforestation, il leur faudra plus de poids et pour cela, il nous faudra acheter leurs combinaisons et que d’autres compagnies suivent leur initiative!

La qualité, la base de la durabilité

Mises à l’épreuve de quelques sessions, les combis en latex font le job : elles tiennent  chaud et sont agréables. Le latex semble une vraie alternative au néoprène. Mais tiennent-elles le coup? L’éco-conception, en rupture avec le modèle jetable, implique une qualité de fabrication qui assure une longue vie au produit. Il n’y a pas de raisons de douter que les matériaux tiendront sur la durée. Cependant, avec Eric Schalke, concepteur et réparateur de combis chez Procéan, nous avons relevé des procédés pas très luxueux qui peuvent compromettre la durabilité: des panneaux qui ne sont pas doublement cousus en intérieur/extérieur (voire pas du tout chez Pata), des galons liquides trop fins ou en textile thermocollés (plutôt qu’en néoprène et collés) qui deviennent vite cassants, des coutures pas toujours arrêtées par des points, un manque de renforts type spandex ou d’ourlets sur des emplacements critiques… On pourrait prétendre à des prestations haut-de-gamme pour ces matériaux, mais avec un coût des matières premières doublé, les fabricants sont contraints de faire des arbitrages pour qu’elles restent compétitives. Cela étant dit, bien des fabricants ne proposent pas mieux au même niveau de prix pourtant élevé. Investir dans ces combinaisons est un choix technique raisonnable doublé d’un acte militant significatif.

TEST TEST TEST

Soöruz BIG : So roots

Après le bambou puis le buisson mexicain, chaque année voit la teneur en pétrole des Soöruz diminuer. La BIG passe cette année en hévéa, polyester 100% recyclé, colle à l’eau et zipless.. Panneaux cousus en extérieur et collés en intérieur, intérieur des soudures intégralement recouvert d’une bande caoutchouteuse (dont on pourrait craindre le morcellement). Elle nuit un peu à la souplesse qui reste cependant bonne en nave. L’enfilage zipless est fastidieux avec deux panneaux au milieu du dos mais un rider XL peut rentrer dans une taille L. La 4mm est chaude comme une 5, son intérieur très soyeux Les infiltrations sont peu perceptibles dans la combi neuve, même par l’ouverture zipless. En revanche le cou n’est pas renforcé et le séchage pas très rapide.

Preuve de la confiance de Soöruz en ce matériau, le modèle Firehead, avec ses finitions haut de gamme basculera aussi en Naturalprene.

BIG (4/3) : 369€

Picture Ecosuit Civic : La petite nouvelle.

L’approche écoresponsable est la marque de fabrique du Français. Pour sa première combinaison, elle propose une zipless sans coutures autour des épaules. Les coussinets destinés à préserver les côtes pendant la rame en surf peuvent aussi protéger des remontées de harnais ceinture. Le mix Naturalprene extra stretch, jerseys 100% recyclés et colles partiellement sans solvants propose un bon confort et une bonne souplesse sur la version 3/2mm. Les panneaux sont cousus dehors et collés dedans, seule la version 4mm est intégralement galonnée de l’intérieur mais d’un strip textile. Le proto testé est bien souple, mais semble très fragile en 3mm. Ses genoux sont un peu renforcés (au cordura), mais pas le tour de cou et les chevilles, ce qui pourrait évoluer d’ici la sortie en mars. Nous avons noté quelques infiltrations aux jambes mais le zipless fonctionne très bien.

Civic (3/2) : 329€, Dome (4/3) : 389€

Patagonia : le classique

Toutes les intégrales Patagonia sont aujourd’hui en Yulex FSC, bientôt suivra tout le reste du néoprène. Les californiens ne font pas le choix du tout écolo cette année : jerseys partiellement recyclés, des colles néoprène, des jointures en pétrole et du caoutchouc de synthèse pour des raisons techniques qu’ils espèrent lever rapidement.

La Yulex excelle en confort et chaleur. Pas d’infiltrations dans la combi neuve hormis au  cou qui s’ajuste difficilement. La souplesse est moyenne, altérée par les 2 galons, on pourrait presque utiliser une épaisseur inférieure à celle préconisée pour gagner sur ce plan. Les renforts aux chevilles sont appréciables, mais nous sommes très perturbés par l’assemblage des panneaux sans coutures. Ils sont juste collés. Le joint liquide extérieur est un peu trop étroit et cassera vite, celui à l’intérieur aussi. Ce genre de réparations est  pris en charge par la garantie mais sont réalisées en Angleterre. Le backzip n’a pas d’empiècement à sa base pour protéger les collages perpendiculaires. Ce zip est remplaçable pour favoriser sa réparation, mais on l’aurait préféré métallique (comme sur la frontzip) plutôt qu’en plastique

Yulex R1 (3/2) : 375€, R2 (4/3) : 450€, R3 (5/4) : 475€

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