Méduses : les mers en pleine déconfiture

Après un hiver de navigation en combinaison intégrale, quoi de plus agréable que de ressortir le short les beaux jours revenus ? C’est en général au même moment que les méduses décident de faire leur apparition en masse. Ces gélatineux alimentent beaucoup de fantasmes et d’inquiétudes sur leur dangerosité et leur prolifération. Kiteboarder enquête pour vous sur tout ce que doit savoir un bon kiteur à propos des méduses. Par Vincent Chanderot, 2012 dans Wind mag

Les méduses sont là ! Cela fait quelques années maintenant que l’on entend systématiquement cet avertissement chaque été, pourtant, d’après le peu que l’on sait des Pélagies, leur apparition devrait s’inscrire dans un cycle de 12 ans.

Les blooms de méduses se répètent dans plusieurs mers du globe et posent déjà de sérieux problèmes, notamment dans la pêche et le tourisme.

« Les méduses sont souvent associées à des eaux polluées. Mais elles ne sont pas attirées par ces endroits : elles y sont amenées et maintenues par les courants. Elles parviennent cependant à y proliférer quand les autres organismes plus sensibles peuvent migrer ou périssent » Dr Thibault-Botha

Elles représenteraient aujourd’hui 90% de la biomasse animale en mer noire et les spécimens géants d’extrême-orient détruisent les filets ou blessent les poissons capturés. Leur répartition semble aussi s’étendre puisque l’on a observé la méduse boussole originaire de méditerranée au large de l’écosse. Une rumeur a circulé un temps sur l’observation de la cuboméduse mortelle Chironex dans les Bouches-du-Rhône, mais elle nous a été démentie par les chercheurs du laboratoire d’océanographie de Marseille. Habituellement cantonnée aux eaux australiennes, où elle est plus redoutée que le requin blanc, cette méduse minuscule peut tuer en quelques minutes.

Ces proliférations mettent en péril les équilibres océaniques mais n’ont pas d’explication clairement définie. Elles ne semblent pas avoir les mêmes origines pour toutes les espèces. Il devrait s’agir de la combinaison de plusieurs facteurs anthropiques ou naturels, en premier lieu les courants, associés à de grandes capacités d’adaptation, même aux eaux polluées.

Mangiare meduse: presto si potrà? Le ricette degli chef italiani

Encore le changement climatique

La hausse des températures offrirait des conditions favorables à la multiplication des méduses, notamment pendant les hivers trop doux qui ne contribuent plus à la diminution des populations. Au moins trois autres manifestations du changement climatique interviennent : les épisodes de sécheresse accroissent la salinité de l’eau de mer pour leur plus grand bonheur, tandis que les épisodes de  fortes précipitations régalent les espèces côtières en eutrophisant l’eau (enrichissement en azote), ce qui permet une très forte croissance du plancton dont elles se nourrissent. L’acidification des océans compromet le développement de leurs principaux prédateurs, les tortues, en inhibant la formation de leur carapace. Elles sont capables d’engloutir une cinquantaine de gélatineux par jour, mais face à l’urbanisation des plages de ponte, de la surpêche et de la pollution –notamment par les sacs plastiques qu’elles confondent avec des méduses, tiens-, les tortues ne font pas le poids.

Le Meduse animali meravigliosi – Torre Del Cerrano

La pêche irresponsable

La surpêche d’autres espèces telles que le thon élimine non seulement leurs prédateurs mais supprime également un sérieux concurrent pour la nourriture, puisque qu’ils partagent les même proies à un stade juvénile. Les méduses profitent de ces excès et les aggravent même, car en proliférant, elles consomment toujours plus d’alevins de leurs prédateurs. Une hypothèse propose également une perturbation de la sexualité des poissons par les hormones contenues dans les pilules contraceptives, auxquelles les méduses sont insensibles, puisqu’elles ont la capacité de se multiplier de façon clonale pendant la phase fixée (polype) de leur développement.

Bloom di meduse nel golfo di Trieste

L’impact des blooms de méduses sur la biodiversité et la pêche est préoccupant, il pose quelques problèmes aussi dans le tourisme. Certaines communes envahies régulièrement investissent lourdement pour protéger leurs sites de baignade avec des filets, mais les spots de kite resteront toujours ouverts aux envahisseurs. S’il n’y a peu de choses à faire pour les riders, sinon de lutter contre les changements climatiques et de consommer responsable, il est  intéressant de pouvoir identifier les différentes méduses pour continuer à naviguer l’esprit tranquille.

Prévention

Aurelia aurita, reconnaissable à la fleur dessinée sur son ombrelle est très fréquente et pullule dans toutes les eaux bordant la métropole. Elle n’empêche en rien la navigation, son contact peut ne pas provoquer de symptômes ou à la rigueur une légère démangeaison. Rhizostoma ressemble à un chou-fleur et prolifère souvent, notamment dans les étangs de méditerranée. Sa piqûre est à peine plus douloureuse que celle de l’ortie et nécessite de surcroît une rencontre très rapprochée, eu égard la taille réduite de ses tentacules. L’espèce dont il faut se méfier est le piqueur-mauve, Pelagia noctiluca. Son envenimation est très douloureuse et peut conduire à des syncopes. En cas de pullulation, mieux vaut ne pas aller à l’eau ou changer de spot afin d’éviter la surpiqûre et la noyade.

Portuguese Man O' War (physalia Physalis), Tenerife, Canary Islands. by ...
Portuguese Man O’ War (physalia Physalis)

La galère portugaise, Physalia, n’est pas une méduse, mais c’est à s’y méprendre. Il s’agit d’une colonie d’individus hyper spécialisés dont le flotteur gonflable et les tentacules peuvent éventuellement prêter à confusion. Elles s’échouent parfois en nombre sur la côte atlantique après avoir traversé l’océan et sont très dangereuses. Leurs tentacules peuvent mesurer plusieurs dizaines de mètres et délivrer un venin violent. Selon la dose reçue, le terrain allergique et les antécédents de la victime, les cliniciens ont observé : céphalées, léthargies, vertiges, syncopes, convulsions, comas, vomissements, spasmes musculaires, paralysies, chocs anaphylactiques, insuffisances rénales, troubles du rythme cardiaque, insuffisances respiratoires et décès. Autant de bonnes raisons de ne pas faire le malin !

En cas de contact avec les méduses le néoprène offre une excellente protection, cependant la grande majorité des piqûres a lieu sur les bras et les jambes, ce qui exige de porter une intégrale en été.

Les twin-tips s’accomodent bien des vocations de pourfendeurs de méduses mais plus l’appendice est long plus la gêne sera importante, on pense évidemment aux foils. De plus les blooms de méduses sont souvent synchrones avec les proliférations algales.

Aîe aîe aîe

En cas de piqûre douloureuse, rejoignez rapidement la berge afin d’éviter la noyade en cas de complication. N’hésitez pas à demander à vous faire accompagner si possible. Ne grattez surtout pas la plaie. Retirez les tentacules encore fixées avec une pincette. De nombreuses théories et recettes de grand-mère subsistent, mais une étude scientifique irlandaise montre qu’elles font plus de mal que de bien. Oubliez donc : rinçage à l’eau de mer ou à la pisse chaude, saupoudrage de sable ou de mousse à raser, grattage délicat à rebrousse-tentacule avec une carte bleue et dénaturation du venin par la chaleur d’une clope. Ces méthodes sont au mieux inefficaces et au pire augmentent la pénétration de toxines. Le Dr Tom Doyle coauteur de l’étude préconise que soit appliqué le même traitement, ce qui est une nouveauté,  pour les méduses et les physalies. Les riders de spots à méduse devraient intégrer à leur trousse à pharmacie un flacon vinaigre et des chaufferettes afin de les appliquer 45 minutes sur les piqures.

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Aux armes !

Pour contribuer à lutter contre les méduses, outre le combat contre l’effet de serre et la surpêche, vous pouvez  participer à leur étude ou les manger ! Plusieurs réseaux d’observation existent en Europe. Vous pouvez consulter ou signaler leur présence sur votre spot en paca sur (http://meduse.acri.fr/carte/carte.php), et prévenir les chercheurs de vos observations pour améliorer notre compréhension (cf image) (jellywatch@com.univmed.fr).

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Les méduses européennes sont paraît-t-il moins protéiques et goûteuses que leurs homologues asiatiques. Nous nous sommes donc infligés des dégustations en restaurant coréen…  elles sont pourtant déjà insipides. Bon appétit à tous ceux qui voudront en débarrasser les océans à grands coups de salades!

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