Pays Basque et Sud Landais : Le Kite dans la patrie du Surf

Biarritz, Hossegor, Belharra, Mundaka sont des noms qui résonnent dans l’univers de la glisse et même au-delà. Ces berceaux du surf et du big wave riding européen se trouvent tous dans ce petit coin du bout de la France, mais ne résument pas à eux seuls le ride basco-landais. Des plages mythiques aux contreforts oubliés des Pyrénées, ce coin de la France offre un terrain de jeu exceptionnel à tous les amoureux de sports de nature. Pourvu qu’on ait du temps et surtout du vent, tout ou presque est envisageable ! Par Vincent Chanderot dans KITEBOARDER #131

Ici, les Pyrénées poussent leur dernier souffle, s’arrondissent doucement pour finir couchées devant l’océan, avant de repartir, requinquées de pintxos et de txakoli vers les monts Cantabriques et les Picos de Europa. Interface entre deux mondes et trois cultures, le Pays Basque est une terre de contrastes et bien des choses y révèlent deux visages. Derrière une montagne avenante se cache souvent un versant vertigineux. La violence bleue-marron des vagues coexiste avec le bucolique des collines vertes de pluie. Cette palette, c’est le sel (de Bayonne) de la vie Basque, qui donne du piment (d’Espelette!) au passage de chacun de ses visiteurs.

Hotspot

La côte basco-landaise est une destination très en vogue auprès des touristes, des surfeurs et bien entendu des festayres. A ce titre, elle souffre en été d’une surpopulation notable qui se fait ressentir de la route jusqu’aux line-ups. C’est la raison principale de l’interdiction du kite pendant les deux mois d’été sur les plages Basques bondées avant 19h. Hors saison l’accès aux plages est plus raisonnable, et ça tombe bien c’est là que ça souffle et qu’on peut kiter. Dans les Landes, les plages immenses permettent d’aménager des zones kite en été, afin de profiter de la brise de mer, qui souffle ici sideshore. Les coups de vent seront ensuite beaucoup plus onshore.

Fera-t-il beau ?

Le climat côté français est sous forte influence océanique, mais subit la proximité des Pyrénées et des plaines Espagnoles. Le Pays Basque forme un col facilement franchissable entre les Pyrénées et les Cantabriques, vers lequel convergent tous les flux. Par conséquent, il pleut beaucoup en Euskal Herri, cela va crescendo des Landes en descendant vers l’Espagne. Les quantités sont importantes mais pas continues et l’ensoleillement est néanmoins important. Pour éviter de faire des généralités, si certains étés sont bien pourris, tous ceux depuis 2015 sont franchement secs. Certains hivers peuvent être brassés en continu par le foehn et d’autres détrempés. Les naves avec plus de 20 nœuds sont la plupart du temps associées à un flux perturbé d’Ouest ou Nord-Ouest, donc avec de la pluie. Un bon créneau de kite s’ouvre dans le ciel de traîne par Ouest-Sud-Ouest. Croiser toutes les saisons dans la journée n’est ici pas qu’une légende, c’est peut-être pourquoi les prévisions météo peinent à être vraiment fiables à moyen terme.

Aérologie

La force du vent météo dépend du gradient de pression, qui est maximal aux abords du cœur des dépressions qui circulent au nord du 45ème parallèle (Bordeaux). Donc pour les vents d’Ouest et Nord-Ouest il y a globalement moins de vent en descendant vers le Sud et la frontière Espagnole. Un écart de quelques nœuds qui fait toute la différence entre Seignosse et Bidart ou St-Jean, qu’on peut aussi attribuer à la compression sur les reliefs : les Pyrénées forment à leur vent une sorte de coussin d’air où les vents sont ralentis.

Le vent de Sud, le Haize Hegoa, doit franchir les Pyrénées. Il est par conséquent très rafaleux. Fréquent et fort en altitude, il se fait plus rare au niveau de l’océan. Le Sud navigable est lié à une dépression sur le Portugal, par conséquent il faiblit quand on monte vers le nord et marque un arrêt en franchissant l’Adour. A moins qu’il ne balaye la France entière, il est alors très fort et chargé de sable du Sahara. Une entrée maritime remarquable à 20-30 kts, voire plus, survient plusieurs fois dans la saison chaude, c’est l’Enbata (ou Brouillarta), un vent de galerne qui mérite à lui seul son article que voici.

Enbata sur le Jaizquivel face à Hendaye (Beñat Bayle depuis la baie de Txingudi)

Thermiques

La brise de mer estivale est très légère dans le pays Basque mais elle prend quelques tours en franchissant l’Adour, pour osciller entre 15 et 20 nœuds en fin d’après-midi dans les Landes.  Si le vent synoptique (en altitude) est de Sud-Est, la brise va l’annuler, il n’y a donc pas de vent l’après-midi. C’est par synoptique de nord-est, ce qui arrive le plus souvent en conditions anticycloniques, que la brise sera la plus forte et elle sera de Nord, sideshore.

Cette différence entre Landes et Pays Basque pourtant si proches serait due à la présence d’une dépression thermique centrée sur l’intérieur des Landes, où il fait plus chaud. La côte Basque subirait aussi des entrées maritimes plus ou moins permanentes de secteur Sud-Ouest qui contrarient la brise. Selon les prévisionnistes Thomas Beauquesne et Michel Matveieff, le flux de Nord-Est converge de plus en plus souvent vers une petite dépression sur les côtes espagnoles, pour revenir en Sud-Ouest au Pays Basque. Avec du NE le matin, la brise tourne au NW (voire jusque WNW) à 15-16h puis au N vers 19-20h. Lorsque ces thermiques faiblissent, ils tombent en quelques minutes et le vent synoptique reprend le dessus, donc side-off, attention à ne pas se faire piéger…

(c)Marine St-Macarie

L’océan

(c)Lagriffe

Si les côtes basques et landaises sont les capitales du surf français, ça n’est pas pour rien, aussi on ne s’étonnera pas de parler ici de Vagues. Le plan d’eau flat n’est pas une spécialité locale, d’autant plus que la côte sableuse, exposée aux longs trains de houle atlantique est rectiligne : d’Anglet à Arcachon elle n’offre pas de zones abritées par des caps, des iles ou des récifs. La côte a une autre particularité : son plateau continental est très étroit, or celui-ci contribue à réduire la puissance de la houle. La ligne de sonde des 100m se trouve à 20 milles nautiques au large de la baie d’Audierne en Bretagne, mais à seulement 5 nm de Biarritz et 0,5 de Hossegor, où démarre l’immense canyon sous-marin du Gouf de Capbreton, qui correspond à l’ancien lit du fleuve Adour, avant son détournement. Ainsi il y a ici plus d’énergie dans une vague de 1m, que dans une mer du vent méditerranéenne de 2m. Les marées sont bien marquées, avec des amplitudes commençant à 2,5m par petit coefficient, néanmoins les courants de marée sont faibles. Il faudra en revanche composer avec un courant de dérive latérale fort. Orienté en permanence vers le sud, ce courant est particulièrement soutenu par vents de secteur N et NW et il impose donc d’être bien toilé et de remonter parfois à pied…

La Baïne est un terme d’origine landaise, donc évidemment il y en a par ici. Elle permet de franchir facilement les barres en offrant un petit passage sans déferlement, mais c’est aussi un ascenseur vers le large utilisé par les surfeurs entre la basse-mer et la mi-marée. La pleine mer s’accompagne en général d’un shore break qui peut être massif, tandis qu’aux alentours de la marée basse se forme un inside plus ou moins navigable même quand c’est un peu gros : les vagues cassent au large et près du bord, c’est un peu le chantier avec souvent du backwash, mais ça reste raisonnable.

Vagues basques

L’omniprésence des vagues fait de la côte basco-landaise un spot difficile d’accès pour les débutants hormis certains jours d’été. Hendaye, dissimulée dans son coin, touche des vagues plus petites, mais c’est pareil pour le vent. Il y est rare et capricieux. La baie de Saint Jean de Luz est relativement abritée, navigable quand c’est trop gros ailleurs, mais ce n’est pas un spot d’apprentissage. Son départ est très dangereux en raison de la proximité des immeubles et des turbulences qu’ils induisent jusque sur l’eau.

Baie de St Jean, jour de gros (c)Reis
Chantier typique à Anglet avec vue sur Biarritz (Mike Fly)

Une zone plate se situe sur l’embouchure du courant d’Huchet à Moliets dans les Landes, mais c’est pas très grand. Tous les autres spots peuvent offrir des conditions de vagues plus ou moins bonnes. Bidart est un beachbreak à la sortie de Biarritz, qui permet d’avoir accès aux vagues de reef de Parlementia et des Alcyons. Ça peut être énorme là-bas, attention c’est une affaire de spécialistes. Ç’est rarement à Anglet que le plan d’eau sera le plus joli, mais c’est le spot le plus proche pour les Bayonnais et Angloys. Anglet possède une très longue plage de sable et le kite se pratique beaucoup sur le spot de la Madrague. En été, le kite est interdit partout au Pays Basque sur toutes les plages dotées d’une surveillance (sauf dérogation des MNS lorsque que le mauvais temps fait fuir tous les baigneurs). Donc avant 19h, c’est dans les Landes que ça se passe.

La navigation offshore ou side-off, par vent de Sud est particulièrement dangereuse parce qu’avec les Pyrénées toutes proches, c’est on/off. Niveau big wave riding, le banc de Belharra Perdun, entre Hendaye et Socoa, lève la plus haute vague de France (20m+) à marée basse par forte houle d’W-NW. Pour Clément Roseyro, « c’est une vague qui fait rêver, mais je ne pense pas que ce soit vraiment faisable en kite, car le spot est détruit dès qu’il y a plus de 15 nœuds, peu importe la direction ». Thomas Traversa a « popularisé » quelques monstres, non loin de là en windsurf, à la pointe du figuier devant Hendaye et à Avalanche (Guethary), mais à ils sont aussi difficilement prenables en kite.

Belharra avec Shane Dorian à la rame (c) Eric Faurisson

XL Landes

Les plages landaises sont infinies. Leur largeur est sécurisante et elles sont tellement longues qu’il est toujours possible de s’y trouver tranquille quelque part (en marchant…). Les mieux desservies (donc les plus fréquentées) ont une zone kite pendant l’été. Veillez bien à les respecter, d’autant que la cohabitation avec les surfeurs peut générer des difficultés. Hors l’été, il n’y a plus de problèmes. Le gros spot se trouve juste au-dessus de Hossegor, à Seignosse, aux Estagnots et il commence à y avoir beaucoup de monde.

(c) Grossholtz

Si vous n’aimez pas ça, les plages des Bourdaines ou du Penon un peu au-dessus offrent des conditions très proches, mais il n’y a plus personne. La Nord et la Gravière à Hossegor sont des vagues mythiques, qui ont reçu des championnats du monde de surf. Les plages landaises souffrent beaucoup du recul de la dune, dont témoignent les blockhaus allemands, qui barbottent maintenant dans l’eau. Restez bien sur les chemins d’accès « officiels » pour éviter l’érosion qui s’amplifie !

De l’autre côté

Impossible d’imaginer un passage ici sans une incursion « de l’autre côté », dans le pays Basque Espagnol ! Franchissez la rivière Bidassoa à Hendaye et vous aurez tout de suite la certitude d’être parti très loin… Le rythme espagnol s’impose sans transition en débarquant sur le quai du port frontalier de Fontarrabie. Le climat n’a rien d’andalou et pourtant, ici aussi, on traîne dehors tard le soir, on mange debout dans les bistros au milieu de la nuit, on parle très vite et très fort… Si la côte déchiquetée n’est pas la plus propice au kite, on pourra se repaître de pintxos et autres bonnes bouffes et de paysages magnifiques. Dans la belle ville de San Sebastian, on peut kiter sur la plage de Zurriola, mais il faudra se faufiler entre des dizaines de surfeurs, même dans 30 nœuds !

Mundaka

Un peu plus loin, après Gernika, le spot de Mundaka fut étape du world tour de surf. Cette gauche très puissante avait disparu pendant un temps (et souffre par ailleurs encore de localisme en surf). La vallée canalise le vent de Sud pleinement offshore sur cette vague redoutable, ce qui en fait un spot doublement dangereux. Il est néanmoins possible pour ceux qui n’ont pas cette habileté, de naviguer dans le lit de la rivière mundaka, de l’autre côté de la langue de sable de la plage de Laida, à Ibarrangelu, face au restaurant (le reste est une réserve et a failli provoquer l’interdiction de tout le site). Comme partout dans ce coin du golfe de Gascogne, dites-vous bien que les riders qui sortent dans les conditions « exotiques » (vagues énormes, vent offshore…) ont un très gros niveau et sont habitués à ces conditions hors-normes, et que ça n’est pas parce que c’est bon pour eux que ça le sera pour vous !

Les Spots avec Clément Roseyro :

Hendaye (Les jumeaux) NW, N

Hendaye (c)Bellande

Très joli spot de nord-ouest, mais très capricieux : ca ne rentre pas souvent… trop Ouest, il est trop rafaleux et trop Nord, il devient rapidement full onshore. Les vents de Sud ne sont pas bons… J’ai de très bons souvenirs sur ce spot car l’environnement est magnifique avec les deux rochers jumeaux et les montagnes alentours. Il faut faire attention il y a deux trois rochers qui traînent par là-bas.

St Jean (c) Marine St-Macacrie

Saint-Jean de luz (Digue aux chevaux) NW, N

Les sessions sont possibles quand l’océan est démonté et que les autres spots ne sont plus navigables C’est devenu the spot de surf foil et de wing. Les kiteurs y sont maintenant moins nombreux, notamment depuis un terrible accident. Avant il y avait 3 kites sur l’eau, maintenant avec les wings on est 30. Je n’ai jamais kité là-bas sous le soleil, avec le NW on est souvent sous la pluie !

Bidart (Uhabia, Embruns) SW, W, NW, N

J’affectionne ce spot car j’y surfe beaucoup également. Le vent Sud-Ouest est vraiment top, mais le tout ce qui est Sud ne rentre pas bien. Pour ceux qui ont le niveau, il est possible d’aller jouer devant Parlementia, choper quelques jolies vagues en remontant un peu plus, si la marée et les conditions le permettent. Un passage aux Alcyons est possible mais les bonnes conditions sont rares. C’est aussi un spot de repli et de TT, mais gare aux rochers.

Bidart Uhabia et Guethary (c)Lagriffe

Anglet (Madrague) SW, W, NW, N

C’est le gros spot Basque du club Euskal Kite, une belle bande qui est là les soirs d’été en Foil et en hiver en TT ou Surf. Le spot est plus accessible à marée basse, attention à marée haute le (shorebreak est pas très accueillant. Le vent de Sud est rare, mais avec des jolies vagues, il est presque possible d’avoir des tubes !

Tarnos (Metro) SW, W, NW, N

Ce spot très vaste nous permet de rider quand on n’a pas envie d’attendre 19h l’été ou d’aller jusqu’à Seignosse. Il ressemble un peu à Anglet en plus compliqué : sans les bancs de sable, ça n’est pas tellement plus navigable à marée basse quand c’est gros.

Seignosse (Estagnots / Bourdaines) S, SW, W, NW, N

(c) FX

Le spot de luxe de Seignosse, tout le monde va là-bas ! En été ce sont plus les thermiques de nord light et l’hiver les tempêtes ou coups de vent de Sud-Sud-Ouest. En saison il faut faire attention à la zone de navigation : si on ne la respecte pas on risque de la perdre ! Donc si un kiteur vous hurle dessus car vous en sortez, ne le prenez pas mal, c’est pour vous informer ! Le club local est Fun Kite Sud-Ouest.

Moliets-et-Maa S, SW, W, NW, N

On peut kiter dans l’embouchure du courant d’Huchet, une rivière qui sort du lac de Léon tout proche. C’est un spot ou je suis beaucoup allé pour m’entrainer, car à marée haute il peut y avoir une sorte de grande lagune, c’est assez génial, sinon que l’eau n’est pas très propre… mais j’y ai malgré tout passé des sessions de 6/8h.

Les Clubs :

Euskal Kite s’occupe des sites basques. Le club est affilié à la FFVoile et organise notamment une régate de kitefoil, la Euskal Cup. www.euskal-kite.fr

Fun Kite Sud-Ouest (FKSO) est le club sud-landais. Il est affilié à la FFVL. Facebook : Fun kite Sud Ouest.

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