Changements climatiques, effondrement de la biodiversité, continents de déchets, érosion des plages… la crise écologique attaque sur tous les fronts et apparaît dans toutes les bouches. A l’issue des COP de la dernière chance ou de la très brève remise en question, au moment des confinements, les beaux discours coexistent plus que jamais avec l’inaction. Nous interrogions il y a maintenant 10 ans la soutenabilité du kitesurf au regard des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le sujet brûlait déjà mais les projets étaient inexistants. Aujourd’hui, nombreux sont les constructeurs qui affirment un ancrage écologique, aussi nous sommes allés scruter leur offre de plus près. Une fois encore nous verrons que le matériel n’est pas la source de tous les maux, c’est avant tout le rider qui fait toute la différence. Par Vincent Chanderot, 2020, KITEBOARDER
Le constat fait consensus chez la quasi-totalité des chercheurs des sciences du climat : le changement climatique est réel et les activités humaines en sont la cause principale. Sans un changement drastique des modes de vie basés sur les énergies fossiles abondantes, l’augmentation de la concentration des GES aboutira à un bond des températures en cours de siècle. La conférence de Paris a émis le vœu, sans s’en donner les moyens, de limiter ce réchauffement à +1,5°C. Au-delà, les conséquences devraient être terribles et c’est malheureusement cette trajectoire que nous suivons, avec +2°C des 2050 et +5° ou plus en fin siècle. Cinq degrés, ça n’est pas grand-chose. C’est pourtant ce qui nous sépare de la dernière glaciation, pendant laquelle la banquise courait jusqu’au golfe de Gascogne ! Au-delà des phénomènes météo hors de contrôle associés à un changement de cette ampleur se pose la question de l’adaptation à sa brutalité. Il est ici question d’une transition de quelques années seulement, quand c’est de plusieurs milliers dont hommes et écosystèmes ont disposé pour s’adapter aux précédents changements climatiques. Face aux enjeux du climat (alimentation, ressources en eau, forêts, vie océanique, etc.) penser le kitesurf de demain peut sembler dérisoire, c’est pourtant en l’inventant dès aujourd’hui, puisque personne ne songe à y renoncer, qu’il subsistera.
Idées reçues sur la navigation
Certains voient la possibilité d’enlever un millimètre à leur combi ou de naviguer un jour en short en Angleterre, pourtant le corollaire du réchauffement est beaucoup moins affriolant. Pour le kite en France, avec +2 degrés, les tempêtes ne devraient pas être plus nombreuses, mais probablement plus puissantes et accompagnées de fortes précipitations, tandis que les jours sans vent seront en augmentation. En d’autres termes, on ne devrait pas naviguer plus souvent, mais dans des conditions plus rudes. En intégrant la hausse du niveau des océans, l’érosion accélérée de certaines plages aboutira à la disparition de spots et à toujours plus de digues ou d’entraves. Des espèces marines s’éclipseront de nos côtes au profit de certains moustiques, méduses ou requins tropicaux, mais l’acidification qui accompagne le réchauffement des océans couve des problèmes plus graves encore. La fonte du Groenland ne devrait pas faire disparaître le Gulf Stream, mais pourrait toutefois bouleverser les courants marins, car elle en affecte un des seuls sites au monde où l’eau plonge dans les profondeurs afin d’entretenir la circulation thermo-haline.
Notre pays s’est engagéà diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre avant 2050 afin de limiter l’emballement climatique à +2°C. Cela signifie que nous ne disposerons chacun que d’un crédit de 2,2 tonne eqCO2 mais ce combat est déjà commencé. En l’état actuel des choses, nous pourrons SOIT parcourir 10 000 km en voiture, SOIT chauffer 85m2 pendant un hiver, SOIT faire un A/R à New-York… et RIEN DE PLUS pour une année entière ! On voit combien le défi est immense, car compter sur des bonds technologiques d’une telle ampleur est utopique. On ne pourra s’affranchir de développer dès aujourd’hui de nouveaux automatismes dans nos façons de concevoir les produits, de les consommer et de se déplacer.
Le facteur pétrole
Ce parcours semé d’embuches devrait être encouragé par la source de tous nos maux, le pétrole, dont la pénurie se profile doucement : s’il est urgent de consommer moins d’énergie pour des raisons environnementales, ça l’est tout autant pour des raisons financières. La raréfaction de la ressource mènera tôt ou tard les hydrocarbures à des prix prohibitifs, ce qui ne sera pas sans conséquences sur notre monde totalement petro dépendant. Les huiles de schistes (virant au fiasco) et l’uranium (dont la dernière mine sera vidée avant le dernier puits de pétrole) n’y pourront rien… C’est tout l’enjeu du Bilan Carbone de la filière kite : émettre moins de GES pour limiter le changement climatique et garantir une pratique encore accessible à tous lorsque le carburant vaudra de l’or grâce à une anticipation précoce.
Une image un peu trompeuse
Notre sport peut véhiculer une image écolo parce qu’il prend place dans de beaux endroits, utilise le vent et ne dégage ni bruits, ni odeurs. Il n’existe pourtant pas de kite sans pétrole ou produits chimiques et rares sont ceux qui s’intéressent à la fragilité de leur spot. Si le kite contribuera peut-être à diminuer la pollution de quelques cargos tractés par des ailes géantes, il est en revanche à l’origine de nombreuses émissions : le short, la combi, la planche, l’aile, la barre, les lignes, la pompe, sont des équipements de haute technologie, fabriqués à l’autre bout du monde et leur utilisation appelle pour la plupart d’entre nous l’usage de la bagnole voire de l’avion.
Bilans Carbone
Un Bilan Carbone d’une entreprise ou d’un produit permet d’identifier les principaux postes d’émissions de GES, afin de cibler les actions de réduction les plus efficaces. Il n’y a pas de bon ou mauvais bilan et l’important est le chemin parcouru. Bien sûr, par les temps qui courent, des gens sont en attente de chiffres. Auditer le matériel de kite n’est pas chose aisée et rares sont ceux à oser se mettre à nu et à s’exposer aux critiques. Quelques-uns, dont Airush et Duotone, se sont néanmoins probablement essayés à l’exercice afin de compenser leurs émissions. Les résultats sont très hétérogènes, possiblement parce que certaines données sont inaccessibles auprès des fournisseurs asiatiques ou parce que les chiffres seuls ne disent pas ce qui a été comptabilisé chez l’un et pas chez l’autre (le “périmètre”). On ne peut pas non plus exclure une influence négative du marketing : nous avons eu vent du rejet d’une méthodologie de la part de grands industriels du surf, parce qu’elle leur semblait défavorable.
Airush est le seul à pouvoir se targuer de fournir des estimations pour chaque famille de produits. Elles sont cependant clairement sous-évaluées et c’est une tendance assez générale. Duotone ne divulgue que le montant de sa compensation carbone, dont on peut déduire un ordre de grandeur : 2557,6 t CO2 pour +/- 38 000 kites, cela représenterait une moyenne de 67 kg eq CO2 par aile nue. Une partie-prenante dans la compagnie nous a avoué que le calcul avait été fait au doigt moillé, mais c’est tout de même 6 fois plus que le chiffre avancé par Airush et c’est probablement plus proche de la réalité. Etant entendu que les 11kg CO2 proposés par les Sud-Africains pour une 10m2 correspondent à la seule confection de moins de 1kg de tissu kite PEHD composite.
Les pionniers sont-t-ils sincères quand ils expliquent leur prise de conscience des enjeux et de leur responsabilité? Nous, clients, attendons maintenant avec impatience que portent les fruits de ces analyses pour des productions plus soutenables. Nous ne leur tiendront pas rigueur des plâtres essuyés s’il ne s’agit pas que d’une posture. Leur métier n’est pas de manipuler les tonnes de CO2. Ils ne disposent pas forcément des cartes pour se mettre à l’abri des erreurs d’un mauvais consultant, d’un sous-traitant blasé ou d’un stagiaire démotivé.
Quelques erreurs
Un exemple : pour des produits encombrants mais légers tels que des boards, deux méthodes peuvent fournir des résultats profondément différents. L’organisation Sustainable Surf qui attribue le label Ecoboard, suggère que le transport d’un surfkite de la Chine à la Floride est négligeable (2,5 kg CO2) tandis que des approches par volume plus appropriées suggèrent plutôt 10 fois plus sur ce trajet. Leur méthodologie aboutit à l’idée fausse que la production en Asie est un facteur de pollution mineur alors qu’elle a beaucoup d’implications. Sustainable Surf aboutit à 36kg eq CO2 pour la fabrication et livraison d’un surfkite Firewire. C’est très peu au regard de certains éléments fournis sur les process par les partenaires de F-One, et c’est même inférieur au calcul de l’Ademe pour les boards Françaises Notox (38 kg), pourtant au sommet du surf composite écoconçu et locale. EcoEvo Surf en Australie affiche humblement 100kg avec une technologie proche de celle de Notox tout en suggérant 200 kg CO2 pour une bonne board epoxy classique. La valeur de 64 kg CO2 avancée par Airush pour son surf, n’est pas impossible, mais semble encore sous-évaluée, lorsque l’on décortique les postes d’émission.
So what
Tous ces chiffres ne signifient rien s’ils ne se rapportent pas exactement à la même chose, et ne trouvent de sens que mis en perspective. Ils permettent néanmoins de confirmer deux points. Tout d’abord que l’empreinte carbone du matériel n’est pas négligeable. Changer un quiver complet entame nettement son budget carbone. Ensuite, que l’empreinte du matériel est à mettre en regard de son utilisation. En un mot : deux A/R sur un spot à 50 km en voiture produit plus de CO2 que votre board écologique. Multiplier les trajets pour voir si ça navigue, s’offrir quelques week-ends sur un bon spot, ou mieux (ou pire), faire un pèlerinage à Hawaii (24 000 km AR et 5,3 t CO2) : voilà ce qui va plomber le bilan carbone du kite et mérite une vraie réflexion. Airush en a pris conscience dans son audit : selon eux, les salariés et pro-riders polluent davantage avec l’avion (260 t CO2) que toutes leurs usines. Cela aura-t-il un impact sur leur marketing ?
Le Greenwashing et la compensation
Bien des acteurs du kite ne pipent mot de l’environnement, tandis que ceux qui s’y impliquent vraiment, disons qu’ils en sont encore aux débuts. Entre les deux il y a aussi le greenwashing. C’est par exemple ce plastique emballant des ailes Core, sur lequel est écrit « S’il vous plaît, utilisez ce sac pour nettoyer votre plage ». Si rien d’autre ne vous a été raconté sur l’écoconception de votre aile, vous êtes en train de vous faire greenwasher à peu de frais ! Le discours dominant privilégie, et on le comprend, la solidité et la performance avec, quand c’est possible, un impact moindre sur l’environnement. Ce dernier n’est pas toujours du ressort des marques, car l’essentiel de la R&D est fournie par les géants de la chimie (tissus Teijin, epoxy Sicomin, néoprène Sheico, etc.). On nous a souvent répété que lorsque tous les acteurs du kite feront converger leurs demandes pour des produits plus écologiques, le pragmatisme du marché, fût-t-il chinois, y répondra. Si le conservatisme de certains sous-traitants rechignant à mettre en œuvre des techniques, ou à manipuler de nouveaux produits a été décrit maintes fois, un grand shaper nous rappelle toutefois : « Les chinois ont bon dos, car pour peu qu’on soit disposé à en payer le prix, tout est possible. Cela semble dément, mais un de nos partenaires dispose d’une deuxième usine identique dans laquelle les ouvriers sont payés le double, afin de répondre aux différents niveaux d’exigence en RSE de ses clients ».
La compensation carbone volontaire n’est pas à proprement parler un greenwashing. Cela consiste à financer des actions qui éviteront d’autres émissions ou de créer des puits (planter des arbres) afin d’atteindre un bilan neutre. Duotone neutralise son CO2 grâce à une petite centrale hydroélectique au Sri Lanka. Cette démarche prend vraiment du sens pour les émissions inévitables, après avoir tout mis en œuvre pour les réduire. En revanche, compenser lorsque rien n’a été entrepris pour produire proprement ou qu’on continue à suremballer avec du plastique peut desservir l’action, car il est beaucoup plus facile et économique de planter des boutures de palétuvier que de financer une R&D disruptive. Une entreprise peut, pour seulement 1 000€, se targuer d’un bilan carbone neutre sans avoir consenti aucun autre effort. (Lire ici l’article sur la compensation carbone).
Le design des kites au service de l’environnement ?
L’évolution du matériel a contribué à la diminution de son empreinte environnementale. Avec les gains en performance des ailes, les tailles se sont réduites et les quivers se sont allégés. Il est possible de profiter pleinement de son spot avec seulement une ou deux ailes. On navigue aussi désormais dans des vents qu’on imaginait inexploitables. Surfs, foils, caissons, strutless, wings offrent plus de fenêtres de navigation mais par conséquent plein de bonnes raisons d’accumuler du matos et d’augmenter les déplacements à la plage, c’est « l’effet rebond » : du matériel plus efficace aboutit à une augmentation des pollutions.
Les principaux axes d’amélioration environnementale des voiles passent par les profils : solidité, polyvalence, performance et plage d’utilisation (basse en particulier) permettent un peu de pallier le statu quo au niveau des tissus. Pour Charles Bertrand de F-One, très curieux des questions de durablité, « Teijin fournit quasiment toute la filière. Ce spi est une référence particulière qui ne sert pas à d’autres industries, donc les seuls développements sont ceux poussés par les marques et ça consiste surtout à faire du ripstop avec plus de fils. » Selon l’architecte naval, les grammages de tissus pourraient être allégés sans problèmes mais cette offre n’existe pas encore chez Teijin, faute de débouchés assez importants. Toutefois de nouveaux tissus plus légers arrivent sur le marché, tels que le Aluula utilisé par Ocean Rodeo, 5 fois plus léger et résistant que le dacron. Les composites de Polyester Haute Densité génèrent beaucoup de CO2 (le simple PE des vêtements atteint déjà 15kg CO2 par kg) et il n’existe pour l’instant pas d’alternative naturelle ou recyclée satisfaisante pour une utilisation kite. Selon Till Eberle, le patron de Duotone « Teijin a réussi à produire un tissu de kite issu du recyclage, mais selon leurs propres dires, la consommation d’énergie et de chimie est encore trop importante pour obtenir une qualité équivalente”. (Lire l’article sur les tissus recyclés).
Les boards artisanales en première ligne
Les composites des barres ou des boards nécessitent beaucoup d’énergie pour leur fabrication. La production d’un kilo de fibre de verre dégage 2,5 kg CO2 car elle est affinée à 1500°C. La fibre de carbone en émet 4 fois plus. Le kilo de résine époxy dégage 5kg CO2. Les recherches vont toutefois bon train pour trouver des substituts végétaux aux fibres et résines : Le placage de bambou est utilisé en routine dans l’industrie pour donner de la raideur au composite, il permet aussi de mettre moins de fibre. Le liège est régulièrement employé en sandwich ou sur les ponts et Charles Bertrand s’intéresse à la toile jute, qui pousse bien en Asie et dont on a fait des bateaux. Le shaper Notox à Anglet propose depuis des années une gamme de surfkites en fibre de lin français, bio-résine locale et mousse polystyrène recyclée avec une belle réussite, car la fibre naturelle est très solide, légère et dotée de capacités d’absorption des vibrations hors du commun.
Ces technologies sont encore délaissées par les industriels parce que les procédés ne sont pas maîtrisés sur les chaînes et pour des questions de coûts. Chez Airush, on trouve que le lin pompe trop de résine (vide obligatoire) et Duotone estime qu’il n’atteint pas les performances des fibres minérales, ce que ne confirment pas forcément les shapers qui l’utilisent ni leurs clients, dont les stats relèvent 0,3% de casse sur 10 ans. Les résines biosourcées atteignent d’excellentes performances et sont désormais utilisées comme les epoxys, cependant pour certains industriels tels que Till Eberle, « les planches Duotone sont fabriquées en Chine et personne n’y fabrique encore de biorésines. En expédier depuis les US ou l’Europe serait un non-sens écologique ». Les green-epoxys contiennent seulement une moitié de molécules végétales issues de déchets agricoles. L’ACV du Sicomin annonce un gain sur le CO2 de 40% et celle du Super Sap de Entropy 13%. Mais ces composites ont le vent en poupe, le marché est dynamique et des résines 100% végétales sont déjà en développement. Le premier durcisseur (l’ingrédient le plus polluant) biosourcé est enfin arrivé sur le marché. Clinton Filen nous a aussi évoqué une résine réversible dont on pourrait séparer la fibre en fin de vie, afin de les réutiliser ou de valoriser les déchets.
Hi-tech et Low-tech
L’avant-garde de l’innovation écologique se trouve dans les ateliers de shape artisanaux. Certaines réalisations custom et écoconçues sont bien souvent aussi accessibles que les planches industrielles, du fait de leur modèle économique sans réseau de distribution à rémunérer. Dans un esprit très nature, les TT ou surfs hollow fabriqués en séquoia, cèdre et peuplier Bretons chez Woodyboard proposent un ratio poids / indestructibilité incomparable en plus d’être très agréables à naviguer.
A l’opposé, on voit apparaître dans le surf des structures en nid d’abeille imprimées en 3D pour remplacer la mousse. Cette idée originale génère cependant une surconsommation d’énergie et peu d’économies de fibre et de résine. Leur ACV les situeraient au niveau des planches en Polyester (très rares en kite) dont le bilan environemental est épouvantable, notamment en raison, selon Firewire, du gaspillage entretenu par un coût très faible. Les déchets sont conséquents dans toute entreprise de stratification. L’imprégnation sous vide boit moins de résine que la strate au contact, mais consomme en revanche des tissus d’arrachement, feutres, films et bâches.
Les Accessoires
L’aluminium émet entre 10 et 100kg CO2 selon l’origine de l’électricité et son taux de recyclage. Le tri n’étant pas optimisé, le recyclage de ce métal ne retrouve pas les performances structurelles du neuf, aussi les foils F-one ne sont pas issus de cette filière. Charles Bertrand nous raconte cependant une chose amusante : « Nos ailes IC6 sont en Polyamide 66 avec une charge de fibres de carbone “upcyclées” des chutes de chez BMW ». On valorise aussi des déchets dans les combis Picture : 30% de la mousse Eicoprene est constituée de noir de carbone issu de vieux pneus pyrolysés. Ça ne va pas changer le monde, mais la combi reste souple et l’idée mérite d’être soulignée.
Le néoprène est un pur produit de la pétrochimie, dont l’alternative à partir de roches calcaires (le « limestone ») n’est probablement pas plus écolo tant elle est énergivore. La nouvelle gamme Oysterprene de Soöruz utilise du coup un calcaire issu des coquilles d’huitres avec des déchets de canne à sucre et des huiles végétales pour complémenter le latex naturel d’hévéa de son « Biöprene ». Les deux marques françaises ont opté depuis longtemps pour des jerseys en fibres polyester recyclées. Picture utilise maintenant aussi le nylon de filets de pêche recyclés en revêtement extérieur. Il aura fallu dix ans pour que les marques de kite adoptent ces textiles pour les sacs d’ailes, mais il semble que le mouvement soit lancé pour de bon. Elles semblent aussi réaliser l’impact du packaging et les efforts sont désormais palpables.
Passer au soutenable
Pour une révolution verte du kite, les fabricants feront de leur mieux si leurs clients le leur demandent, à ces derniers aussi de veiller à ce que les technologies dont les constructeurs se vantent se retrouvent bien dans les produits. En attendant les technologies qui changeront tout, si elles arrivent à temps, nous n’avons aujourd’hui d’autre alternative que de consommer mieux. Si le marché n’est pas prêt à relocaliser les usines auprès des consommateurs, la tendance devrait pousser à conserver le bon matériel plus longtemps. Doubler sa durée vie, c’est aussi diviser son bilan carbone par deux. Les évolutions techniques ne justifient pas de changer chaque année un équipement, qui est de surcroît plus résistant. Signe des temps, de nombreuses marques proposent des gammes bisannuelles. Manipuler son matos soigneusement, le sécher consciencieusement (sans rincage à l’eau du robinet) permet de le conserver dans un bon état pendant des années. Tous les fabricants confirment que ces opérations sont indispensables et le boss de Airush d’ajouter « il n’y a pas mieux que les UV et de laisser faseyer les ailes sur le sable pour les détruire ». Lire l’article sur l’entretien des ailes
Sur la Route
C’est sur les déplacements que nous devons faire preuve de créativité pour protéger le climat et tempérer le péril pétrolier. Personne, à commencer par les fédérations, ne réfléchit aujourd’hui à la pratique responsable de demain, pourtant si nous ne nous y penchons pas, elle se fera sans nous. Difficile d’envisager de naviguer moins. A défaut, il faudrait nous résoudre à naviguer quand ça en vaut vraiment la peine, plus près et plus propre en améliorant l’efficacité énergétique de nos sessions. Nous devrons plébisciter les beaux spots de nos régions au détriment des destinations exotiques, réduire les trajets inutiles et systématiser les déplacements en covoiturage. Organisez-vous sur le spot ou passez par les plateformes pour riders qui n’attendent que vous, même pour les distances très courtes et récurrentes, c’est efficace pour offrir une réelle alternative conviviale.
Bien comprendre les données météo permet d’éviter de prendre la voiture pour se retrouver les bras croisés au bord de l’eau. Les webcam et balises sont innombrables pour aider à la prise de décision, mais, pour paraphraser le Kiteboarder mag de juin, ne sombrez pas non plus dans la surconsommation numérique : elle est aussi à l’origine d’une pollution colossale. Les véhicules propres n’existent pas et n’existeront jamais. Si vous deviez remplacer un vieux camion par un neuf, moins polluant, n’oubliez pas que sa construction génèrera 9,5 tonnes eq CO2. Si la consommation diminuait de 1,5/100km, c’est seulement à partir de 200 000 km que l’économie de carburant aura compensé les émissions de la fabrication. Aussi, il est parfois plus judicieux pour le climat de prolonger la vie d’un ancien véhicule, pour peu qu’il satisfasse aux normes anti-pollution, et de pratiquer l’éco-conduite : rouler souple et pas trop vite (on ne perd que 2 minutes sur 50 km à 120 km/h sur autoroute), démarrer en douceur surtout à froid, gonfler ses pneus, éviter les galeries et la clim permet de diminuer sa consommation jusqu’à 20%.
Vincent Chanderot est expert Bilan Carbone© chez Carbonescope