Sur certains spots de méditerranée, une bonne session commence et se termine toujours par un bon bain d’algues poisseuses. Certains s’étonnent que ces banquettes de posidonies ne soient pas évacuées des estrans. Ils doivent ignorer les services qu’elles rendent aux kiteurs et à tous les autres. Voici pourquoi nous devrions nous réjouir de patauger dans les herbes mortes.
Vincent Chanderot dans Kiteboarder #136
Posidonia oceanica est une herbe terrestre retournée à la vie marine qui colonise les fonds méditerranéens jusqu’à une quarantaine de mètres de profondeur et forme de vastes herbiers. Ses feuilles mortes sont emportées par les courants toute l’année, particulièrement pendant l’automne et l’hiver, avant de se déposer en grandes quantités sur les plages par conditions onshore. Ces dépôts sont désagréables : c’est moche, ça pue, c’est plein d’insectes, c’est pénible de marcher dedans et les feuilles humides se collent partout sur la planche ou dans les oreilles. Outre ces quelques petits désagréments, les posidonies remplissent plusieurs rôles fondamentaux et c’est à ce titre qu’elles sont protégées.
Un rôle biologique et un intérêt commercial
Les herbiers de posidonie sont parmi les écosystèmes les plus productifs de la planète. Ce sont des lieux d’oxygénation de l’eau (14 L par jour et m2) et par conséquent de séquestration du CO2 dans la « matte », c’est à dire le sol constitué de sédiments et de son rhizome (les racines). Les herbiers forment l’habitat permanent de plusieurs milliers d’espèces végétales et animales qui les ont choisies comme frayère, nurserie ou pâture. Beaucoup entrent dans la chaîne alimentaire humaine et représentent un intérêt commercial pour la pêche, notamment des crustacés, des céphalopodes et des poissons. Les zones où l’herbier a été détruit ou remplacé par la fameuse caulerpa taxifolia sont très pauvres en termes de biodiversité.
Pour une eau vivante
La posidonie est un bon indicateur de la qualité de l’environnement par sa présence et sa vitalité. De plus elle est capable de dépolluer l’eau grâce à ses grandes capacités à concentrer les métaux. Aussi la présence de feuilles mortes sur la plage devrait être rassurante. Les herbiers contribuent également à la qualité de la baignade en améliorant la transparence de l’eau. Ils favorisent la décantation des sédiments en suspension dans la mer et les piègent dans la matte. Devoir franchir une couche d’herbes mortes peut parfois être la promesse d’une navigation dans des eaux cristallines.
Protection des plages
Les herbiers ont une action importante sur l’hydrodynamisme : ils réduisent considérablement la force des courants et de la houle. Cela permet d’atténuer la remise en suspension des sédiments lors des tempêtes et surtout de protéger le littoral de l’érosion. Les exemples de rétrécissement de plages après régression des herbiers sont nombreux et édifiants. Les banquettes de posidonies mortes sur l’estran, qui peuvent atteindre deux mètres d’épaisseur, contribuent à stabiliser le sable. Elles alimentent la zone tampon de feuilles flottantes, dont la viscosité dissipe l’énergie des vagues, pour diminuer le grignotage des plages voire favoriser leur croissance. Ces gros tas sont pourtant encore aujourd’hui évacués dans certaines communes pour le confort des baigneurs, bien que cela soit théoriquement interdit en France depuis 1988. Des communes, telles que Hyères, ont renoncé précocement à l’enlèvement systématique sur une partie de leurs plages et ont pu les voir s’épaissir. Aujourd’hui il est interdit de déplacer les banquettes, sauf sur certaines plages touristiques, après le mois de mai, à condition de les y remettre ensuite. Elles sont parfois aussi recouvertes de sable en millefeuille.
Posidonies en danger
Comme beaucoup d’autres, la plage de l’Almanarre est menacée en raison d’un déficit d’apports sédimentaires et d’un hydrodynamisme agressif, malgré des ré-ensablements très importants (10 000m3/an). La protection offerte par les posidonies est aussi compromise pour les mêmes raisons : le manque de sédiments peut provoquer un déchaussement des rhizomes et la mort de l’herbier. Au contraire, un excès de sédiments pourrait aboutir au même résultat en ensevelissant et étouffant les plantes. Cette altération de l’équilibre entre sédimentation et croissance est la première cause de régression des herbiers à posidonies et porte bien souvent la signature de l’homme (assèchement des rivières par pompage, multiplication des barrages). La construction de digues ou de ports, outre de modifier les houles et les courants, lève un nuage turbide permanent qui nuit à la photosynthèse et sédimente plus vite que les plantes ne peuvent pousser. La construction du port de la pointe rouge à Marseille, par exemple, a recouvert directement 11 hectares d’herbiers, mais en a aussi détruit indirectement 68 supplémentaires. La croissance des posidonies est si lente que la perte d’un herbier peut être considérée comme irréversible. D’autres inventions humaines agressent et détruisent irrémédiablement les herbiers : les ancres de bateaux, les corps-morts de mouillage et surtout la pêche par chalutage de fond, auquel les droites européenes refusent de s’attaquer. D’autres espèces se joignent à nous pour menacer les posidonies. Les oursins notamment, en raison de la surpêche de leurs prédateurs, ainsi que la Caulerpa taxifolia, l’algue tropicale invasive échappée de l’aquarium de Monaco en 1984. Son excellente adaptation lui a permis de concurrencer très sévèrement les posidonies, générant ainsi de vastes surfaces stériles, avant de commencer à décroître mystérieusement.
Quatre fabricants remplaceront le néoprène des combis par du caoutchouc. Pendant que les spécialistes du marketing tentaient de nous convaincre que le limestone était la panacée écolo (voir Wind n°368), les pionniers développaient la combinaison en matériaux renouvelables. Patagonia a ouvert la voie et les frenchies, en s’y engouffrant, lui permettront peut être de prendre son envol.
Mise à jour : Le marché à calmé très vite certains prétendants, la combi hévéa étant trop chère. Sooruz est revenu au limestone, mélangé à de la poudre d’huitre. Picture aussi, avec une haute dose d’un matériau de charge issu de la pyrolise de pneu : 30% de carbon black. Patagonia continue sur sa lancée, tandis que Yulex a trouvé un débouché surprenant : décathlon.
Bien malin qui saura reconnaître à l’aveugle une combinaison en latex. C’est une alternative soutenable, confortable et viable au néoprène traditionnel. Le polychloroprène de nos combis fait une utilisation plutôt intelligente du pétrole, mais les ravages dus à son extraction, transport et transformation en font un produit nuisible à l’environnement. Le néoprène peut aussi être obtenu sans pétrole par cuisson de roches calcaires, mais au prix un process destructeur et énergivore. Aussi le latex sonne comme une évidence, à se demander pourquoi il n’a pas intéressé plus tôt.
Le recyclage des combinaisons latex n’est toujours pas possible, en raison de ce mélange bi-matières. Il implique aussi le décollement des doublures, une opération longue et coûteuse. En dépit de ce détail, Patagonia estime réduire de 80% l’empreinte carbone de la fabrication des combis avant même le rapprochement des sources de latex des usines Sheico (du Guatemala à Ceylan pour Yulex, Malaisie pour Naturalprene). On parle ici d’économies de quelques centaines de grammes de CO2, des cacahuètes au regard du Bilan Carbone d’une session. Mais il faut considérer le gain sur le volume mondial, et au delà du paramètre CO2, les pollutions évitées et surtout la mise en place d’une dynamique responsable. Car on doit souligner que cette démarche ne souffre pour une fois pas du greenwashing auquel nous assistons souvent. En effet, les trois fabricants ne sont pas des nouveaux venus sur ce créneau et ils s’inscrivent dans un projet écologique cohérent. La preuve : l’ensemble de leur gamme de combinaisons se nourrit de cette démarche écoresponsable et pas seulement un ou deux produits comme on l’observe chez d’autres. L’utilisation de matériaux durables est poussée au maximum et en amélioration continue. Une combi c’est la mousse mais aussi des jerseys, ils font donc appel de très bonnes doublures en polyester recyclé à des taux plus ou moins importants.
Doublures et coutures
Cette moquette intérieure a vocation à être douce, sécher vite et piéger l’air. Recyclée, elle s’avère extrêmement agréable et souple, cependant tous n’ont pas choisi le même tissu. Soöruz et Picture utilisent partout du polyester 100% recyclé, comme ils le font sur leurs boardshorts, tandis que Patagonia conserve 50% de tissu de synthèse pour le buste. Hub Hubbard, le responsable des combis nous confie que c’est une caractéristique imposée à leur « fluffy stuff » qui se veut particulièrement chaud et à séchage plus rapide. Il ne désespère pas non plus de réutiliser un jour la laine qu’il juge excellente, mais cela semble compromis pour longtemps après la révélation par l’association Peta des tortures insoutenables infligées aux agneaux et moutons par leur fournisseur, Ovis 21, un promoteur du bien être animal! (Nous avons lu le nouveau cahier des charges « PWS », il semble très strict). Soöruz et Picture sont les seuls à opter pour des colles aqueuses sans solvants dans la lamination, afin de soulager un peu les usines des composés organiques volatiles (COV) toxiques, mais la colle néoprène classique reste utilisée pour l’assemblage des panneaux.
Le caoutchouc écologique ?
Le caoutchouc de synthèse additionné au latex existe sous une forme biosourcée que seul Picture emploie cette année. Soöruz et Patagonia attendent un peu. Fera-t-on ensuite encore mieux ? Certainement, car le l’hévéa, tout naturel qu’il est peut générer des désastres environnementaux et sociaux. On évoque souvent la déforestation dramatique due à la monoculture du palmier à huile, mais celle de l’hévéa suit le même chemin. Chaque année voit 200.000 ha supplémentaires plantés, souvent au détriment des forêts primaires et de leurs habitants. Rien n’arrête les planteurs, pas même les parcs naturels : 70% de la réserve de Snoul au Cambodge fut dévorée en 4 ans. Les pneus Firestone se sont aussi fait remarquer pour les conditions de travail sordides imposées à leurs ouvriers-saigneurs libériens, exploités comme des esclaves. Pour Hub Hubbard, connaître l’origine de son latex n’a pas de prix, aussi (pour un prix modique, dit-il), leur latex est-t-il issu de plantations certifiées FSC par la Rainforest Alliance. Ceci afin de s’assurer qu’il ne contribue ni à la déforestation ni à la paupérisation des travailleurs. Le Forest Stewardship Council est le standard d’exploitation forestière le plus élevé, cependant il y a régulièrement des failles dans la certification. On se souvient que la Rainforest a certifié des bois rares pillés à Madagascar pour les guitares Gibson, mais ce genre de malversations est toujours en lien avec la pression du client, or on peut difficilement soupçonner Patagonia de trahir son modèle pour augmenter ses profits. Soöruz et Picture n’ont pas accès au Yulex FSC et malgré leur volonté, ils sont encore tributaires du bon vouloir de Sheico de s’approvisionner auprès de sources durables. Impossible aujourd’hui de savoir si ce latex provient ou non de la déforestation, il leur faudra plus de poids et pour cela, il nous faudra acheter leurs combinaisons et que d’autres compagnies suivent leur initiative!
La qualité, la base de la durabilité
Mises à l’épreuve de quelques sessions, les combis en latex font le job : elles tiennent chaud et sont agréables. Le latex semble une vraie alternative au néoprène. Mais tiennent-elles le coup? L’éco-conception, en rupture avec le modèle jetable, implique une qualité de fabrication qui assure une longue vie au produit. Il n’y a pas de raisons de douter que les matériaux tiendront sur la durée. Cependant, avec Eric Schalke, concepteur et réparateur de combis chez Procéan, nous avons relevé des procédés pas très luxueux qui peuvent compromettre la durabilité: des panneaux qui ne sont pas doublement cousus en intérieur/extérieur (voire pas du tout chez Pata), des galons liquides trop fins ou en textile thermocollés (plutôt qu’en néoprène et collés) qui deviennent vite cassants, des coutures pas toujours arrêtées par des points, un manque de renforts type spandex ou d’ourlets sur des emplacements critiques… On pourrait prétendre à des prestations haut-de-gamme pour ces matériaux, mais avec un coût des matières premières doublé, les fabricants sont contraints de faire des arbitrages pour qu’elles restent compétitives. Cela étant dit, bien des fabricants ne proposent pas mieux au même niveau de prix pourtant élevé. Investir dans ces combinaisons est un choix technique raisonnable doublé d’un acte militant significatif.
TEST TEST TEST
Soöruz BIG : So roots
Après le bambou puis le buisson mexicain, chaque année voit la teneur en pétrole des Soöruz diminuer. La BIG passe cette année en hévéa, polyester 100% recyclé, colle à l’eau et zipless.. Panneaux cousus en extérieur et collés en intérieur, intérieur des soudures intégralement recouvert d’une bande caoutchouteuse (dont on pourrait craindre le morcellement). Elle nuit un peu à la souplesse qui reste cependant bonne en nave. L’enfilage zipless est fastidieux avec deux panneaux au milieu du dos mais un rider XL peut rentrer dans une taille L. La 4mm est chaude comme une 5, son intérieur très soyeux Les infiltrations sont peu perceptibles dans la combi neuve, même par l’ouverture zipless. En revanche le cou n’est pas renforcé et le séchage pas très rapide.
Preuve de la confiance de Soöruz en ce matériau, le modèle Firehead, avec ses finitions haut de gamme basculera aussi en Naturalprene.
BIG (4/3) : 369€
Picture Ecosuit Civic : La petite nouvelle.
L’approche écoresponsable est la marque de fabrique du Français. Pour sa première combinaison, elle propose une zipless sans coutures autour des épaules. Les coussinets destinés à préserver les côtes pendant la rame en surf peuvent aussi protéger des remontées de harnais ceinture. Le mix Naturalprene extra stretch, jerseys 100% recyclés et colles partiellement sans solvants propose un bon confort et une bonne souplesse sur la version 3/2mm. Les panneaux sont cousus dehors et collés dedans, seule la version 4mm est intégralement galonnée de l’intérieur mais d’un strip textile. Le proto testé est bien souple, mais semble très fragile en 3mm. Ses genoux sont un peu renforcés (au cordura), mais pas le tour de cou et les chevilles, ce qui pourrait évoluer d’ici la sortie en mars. Nous avons noté quelques infiltrations aux jambes mais le zipless fonctionne très bien.
Civic (3/2) : 329€, Dome (4/3) : 389€
Patagonia : le classique
Toutes les intégrales Patagonia sont aujourd’hui en Yulex FSC, bientôt suivra tout le reste du néoprène. Les californiens ne font pas le choix du tout écolo cette année : jerseys partiellement recyclés, des colles néoprène, des jointures en pétrole et du caoutchouc de synthèse pour des raisons techniques qu’ils espèrent lever rapidement.
La Yulex excelle en confort et chaleur. Pas d’infiltrations dans la combi neuve hormis au cou qui s’ajuste difficilement. La souplesse est moyenne, altérée par les 2 galons, on pourrait presque utiliser une épaisseur inférieure à celle préconisée pour gagner sur ce plan. Les renforts aux chevilles sont appréciables, mais nous sommes très perturbés par l’assemblage des panneaux sans coutures. Ils sont juste collés. Le joint liquide extérieur est un peu trop étroit et cassera vite, celui à l’intérieur aussi. Ce genre de réparations est pris en charge par la garantie mais sont réalisées en Angleterre. Le backzip n’a pas d’empiècement à sa base pour protéger les collages perpendiculaires. Ce zip est remplaçable pour favoriser sa réparation, mais on l’aurait préféré métallique (comme sur la frontzip) plutôt qu’en plastique
La question du placement des pieds goofy ou regular ne se pose pas vraiment en wingfoil comme en surf ou en snow, dans la mesure où il est naturel de naviguer sur les deux stances. Nous conservons cependant toujours un bord préféré, tandis que sur l’autre, dit en « switch » ou « fakie », tout est moins confortable. Le stance demeure une énigme pour la science, il révèle toutefois des choses étonnantes sur notre corps et nous nous sommes mis en tête de trouver les moyens qui permettront d’améliorer les sensations sur les deux côtés.
par Vincent Chanderot dans Wingsurf #12 et aussi Kiteboarder#129, Wind, Backcountry #3
Peut-être avez-vous évacué le problème en naviguant toujours avec le même pied devant, ce qui économise aussi une inversion des appuis dans les manœuvres, mais cela reste vrai pour tout le monde : nous avons un bord sur lequel on se sent moins à l’aise au jibe. Sur lequel on saute moins bien, sur lequel le surf est moins fluide.
En amplifiant chaque mouvement parasite et chaque déséquilibre, les débuts en foil nous rappellent à notre asymétrie. Si les premiers bords sur le stance naturel se passent vite très bien, le foil exacerbe un déficit de stabilité et d’agilité en switch chez la majorité des riders, et ce malgré un long background de glisse. La latéralité dans notre sport s’estompe avec le volume de pratique et la plasticité mentale, puisque nous naviguons potentiellement autant tribord que bâbord amures. Elle persiste néanmoins, même chez les pros, entretenue par nos préférences et les impératifs de notre spot, en surfant, sautant ou réalisant certaines manœuvres toujours du même côté.
Dans le monde de la glisse, certains pro-riders sont clairement avantagés par un circuit wave bâbord (comme en windsurf), non seulement parce qu’ils pratiquent ces conditions au quotidien, mais aussi parce qu’ils se battent sur leur bon pied.
En enseignement, partir sur son bon côté est un des facteurs de réussite, mais ça n’est pas toujours évident à mettre en place. Rares sont les moniteurs à se demander si leurs élèves réalisent leur premier bord sur le stance naturel ou switch (en tous cas moi je n’y avais pas pensé à l’époque), pourtant l’apprentissage des goofies est clairement favorisé par un vent venant sur tribord (à droite), tandis que celui des regular sera plus difficile sur ce bord.
« Moi non plus je ne suis pas très à l’aise en switch, je ressens une différence. C’est plus vrai encore pour les riders qui sautent toujours sur le même bord comme à Cape town, où le vent vient systématiquement de gauche. Ca n’a pas de sens de chercher la perfection des deux côtés, il vaut mieux développer un répertoire pour chaque amure » Lasse Walker
DROITIER OU GAUCHER
La latéralité semble être le fruit de l’inné et de l’acquis. Elle résulte d’un déterminisme génétique que l’apprentissage peut contrarier. Par conservatisme dans l’enseignement ou bien par mimétisme, lorsque les enfants reproduisent les gestes de leurs ainés. En dessinant, ou montant comme eux sur un skate la première fois.
Ce fut probablement aussi le cas du tennisman Rafael Nadal, droitier dans la vie mais gaucher sur les courts ! Son choix délibéré de main dominante n’est sans doute pas étranger à son terrible coup droit, car il l’associe opportunément avec son œil et son bassin dominant : Le corps tout entier est latéralisé et nous avons aussi un œil directeur, un sens plus souple pour la rotation du bassin et des épaules et encore un pied fort.
En tennis, les meilleures combinaisons de dominance sont bien documentées et font partie de l’analyse de performance. Par exemple pour un bon coup droit, une dominance dite « croisée » de l’œil et « homogène » du bassin et du pied sont très favorables : la balle est vue plus tôt, le tronc peut visser davantage pour plus de puissance et l’appui est meilleur. Dans nos sports de glisse, la latéralisation de chaque étage (œil, cou, épaules, bassin, jambe, pied) a assurément aussi une influence sur le confort de navigation pour chaque stance.
GOOFY VS REGULAR
Dans les board-sports, on parle de regular-footer, lorsque le pied gauche se place naturellement à l’avant et de goofy-footer dans le cas inverse. La majorité de la population est regular, elle est plus à l’aise sur les bords bâbord-amure et en surf sur les droites, qui peuvent être surfées frontside sur le stance naturel.
Le goofy est plus rare, c’est d’ailleurs le sens de ce terme en anglais, qu’on peut traduire par loufoque. Les goofies, minoritaires aux débuts du surf, étant considérés comme une originalité. Il s’agirait d’une référence au copain perché de Mickey Mouse dans le dessin animé « Hawaiian holiday » de 1936, dans lequel Dingo (Goofy, donc, en anglais) surfe pied droit devant… Le mystère reste toutefois complet, car on le voit aussi attaquer la vague en regular!
L’autre grand mystère est que si la plupart des riders conservent un stance similaire quoi qu’ils fassent, certains l’inversent en passant du surf au skate ou au snowboard. Ceci laisse présager que le stance n’est pas uniquement déterminé par le pied : la morphologie, la souplesse, les appuis propres à chaque sport, ainsi que l’apprentissage d’une technique, plus ou moins bonne, peuvent être impliqués. Il y a une part d’inné et une part d’acquis. Les chances sont grandes que les enfants apprenant le surf toujours sur une petite gauche soient amenés instinctivement (sinon par leurs maîtres) à se lever en position goofy pour pouvoir surfer frontside, face à la vague.
LE PIED DOMINANT
La latéralité du pied suit les mêmes proportions que celles de la main : 90% de la population est droitière pour le pied comme pour la main (1).
On pourrait s’attendre à retrouver la même distribution sur le stance, or les regular ne sont que 60 à 70%, on ne peut par conséquent pas se contenter de l’idée que le pied dominant se place à l’arrière (2).
Mais qu’est-ce donc qu’un pied dominant ? On s’accorde en général à considérer que c’est celui qui jongle et shoote avec un ballon ou celui qu’on lance en sautant. En d’autres termes, c’est celui qui manipule, qui se dirige agilement dans l’espace. L’autre pied est dévolu à la stabilisation, à l’équilibre.
La fonction de ce pied est pourtant tellement essentielle qu’il ne mérite pas ce statut de dominé : que serait un shoot sans un ancrage solide ou un saut sans une impulsion puissante ? Plusieurs études scientifiques soulignent donc que le concept de dominance se définit au regard de la tâche à effectuer : Spry et son équipe de l’université du Kansas (3) ont relevé qu’il y avait le pied préféré, le plus souvent à droite, pour les manipulations ou les tâches réclamant précision et agilité, et le préféré (souvent à gauche) pour les tâches qui nécessitent assise et équilibre. Ils ont aussi mesuré dans cette étude que « la jambe dite dominante n’est pas la plus forte des deux ».
“Une école préfèrerait un virage précis tandis que l’autre privilégierait un virage stable ?”
L’ENIGME DU STANCE
Voici donc une surprise (en faisant l’approximation que quasiment tout le monde est agile du pied droit) : pour un même sport, réclamant les mêmes appuis, les goofy-footers mettent leur pied stable et fort à l’arrière, tandis que les plus nombreux, les regular-footers privilégient le pied stable à l’avant. Cela suggère-t-il qu’une école préfère un virage précis tandis que l’autre privilégie un virage stable ?
Là encore, il faut rechercher le rôle de chaque appui, et cela suscite toujours de longs débats. Probablement parce qu’il y a autant de sensibilités que de riders, au regard des morphologies de chacun. Le champion de surf Mark Richards estimait que « le pied avant n’intervient pas du tout dans la mise en virage, il est là pour équilibrer. La planche ne peut pas tourner sans pression du talon ou des doigts-de-pieds arrière. Je suis sidéré d’entendre des shapers parler de boards spéciales pour « surfers de pied avant» ». Beaucoup d’autres visualisent plutôt le rôle de jambe pivot et l’importance des transferts d’appuis avant-arrière.
En effet le contrôle de la planche ne peut pas se limiter aux seules actions des pieds à l’interface de la board. C’est toute une chaine musculaire qui intervient, car le virage commence par le regard, par le cou et les épaules puis le bassin, lequel transmet les appuis vers les pieds et la board. Le centre de gravité du corps se situe au-dessus du bassin et c’est son déplacement par mouvements de hanches qui permet de transférer les appuis sur le foil et de lui faire prendre du lacet ou du roulis.
DEVENIR PLUS A L’AISE EN SWITCH STANCE
Si vous peinez à engager un beau jibe en switch stance, c’est peut-être que vos pieds ne parviennent pas à s’y résoudre ou que leur morphologie ne le favorise pas (pronation / supination). Mais sans doute votre bassin s’y oppose-t-il aussi.
Le fonctionnement du corps dans un mouvement complexe n’est jamais binaire. Faites le test : la souplesse de vos deux hanches n’est pas égale de chaque côté. Vous l’avez sûrement déjà remarqué en position toeside (également appellée switch) avec la wing côté talons.
Le plan du bassin peut également pivoter spontanément et se fermer ou s’ouvrir par rapport à la board pour compenser une différence de longueur de jambe qu’on retrouve chez 80% de la population (l’anisomélie). On se trouve là confronté à un des fondamentaux des arts martiaux : la libération du bassin permet d’accroître les amplitudes et de trouver des ancrages forts. Elle permet une correction plus évidente des appuis et des déséquilibres.
Les causes de latéralisation sont multiples, néanmoins, travailler la souplesse du bassin, rendre chaque pied plus polyvalent et avoir un bon gainage semblent des pistes sûres.
On peut améliorer l’agilité du pied stable et l’assise du pied maniable. C’est peut-être ce qui nous fait défaut pendant toutes les manoeuvres en switch stance. Dans cette optique, on ne peut que conseiller de se forcer un peu à pratiquer plus de manœuvres sur son mauvais bord : n’attendez pas de tomber pour faire demi-tour! Jiber en switch avant!
Sautez et surfez aussi sur ce côté le moins confortable. Avec le temps, un déséquilibre musculaire peut s’installer à force de toujours favoriser le même côté et il devient difficile d’en revenir. Selon Dr Barrucq de Surf-prévention, les pros des sports asymétriques doivent y remédier en salle de gym, car il est générateur de blessures et même de pertes de performances sur le stance naturel. On observe combien il est difficile pour les surfers, qui pratiquent depuis des années tout le temps sur le même stance, de faire le bord de retour lorsqu’ils se mettent à la wing.
« Je travaille vraiment en switch. C’est important de parvenir à passer des tricks des deux côtés et au final d’être un rideur complet » Giel Vlugt
DANS LA TETE
Nous pouvons profiter d’outils mentaux : Si vous parvenez à voler en foil sur votre stance naturel, vous y parviendrez aussi en switch, parce que vous avez déjà réussi cette même chose sans voler, sur la carène. Retenez que si vous parvenez à décomposer une manœuvre pour la mener habilement d’un côté, vous disposez déjà des cartes pour y parvenir de l’autre, à quelques ajustements près.
Le cerveau est plastique, il peut intégrer à tous les âges de nouveaux gestes. Grâce à l’entraînement, les handicaps peuvent être surmontés afin de franchir les différentes étapes de l’apprentissage. Vous êtes peut-être aujourd’hui dans « l’incompétence consciente » (« Je sais que je ne sais pas faire telle chose en switch »), mais vous parviendrez à force de travail à la compétence consciente (« je sais que je sais faire, mais cela requiert une concentration totale »). Vous atteindrez finalement la compétence inconsciente : vous manœuvrerez en switch même en dormant, et scorerez en surf backside et frontside comme un pro. (4)
Quelques exercices pour progresser en switch avec nos kinés et ostéos Julien Bertrand et Carla Gutierrez
A l’eau : on se focalisera sur des manœuvres en switch stance en essayant de prendre conscience de ses appuis, du rôle tenu par chaque pied, de la position la plus appropriée du bassin, des épaules et du regard.
A terre : on n’hésitera pas à rider en switch stance tout ce qui glisse. Les appuis seront souvent différents, mais des chaines musculaires utiles pourront être activées. Faites donc un peu de skate ou waveboard en switch, du snowboard.
Même en ski, prenez conscience de vos appuis favoris : là aussi vous avez un virage puissant, un pied autour duquel vous faites toujours votre freinage et un pied que vous préférez mettre devant pour franchir en dérapage un raidillon glacé.
A la maison : on peut muscler le membre agile et booster son équilibre grâce à des exercices de proprioception devant la télé sur un plateau kiné (à fabriquer soi-même ou trouver au rayon fitness) ou un indoboard.
On veillera toujours à maintenir un équilibre : Julien Bertrand, Waterman et kiné-ostéo à Anglet rappelle qu’une des bases de la rééducation est de toujours faire aussi l’exercice avec son côté « sain ».
Les étirements sont toujours bénéfiques parce que la souplesse est fondamentale. Des exercices simples issus du Tai-chi permettent une libération du bassin, ce qui permet aussi de mieux tenir en toeside, avant ou après le jibe)
Plateau ou coussin bosu : stabilité des appuis et proprioception
Sur un pied, genou légèrement fléchi :
Tenir l’équilibre. Yeux ouverts puis fermés (fig 1)
Tenir l’équilibre en provoquant des déséquilibres (bousculer, attraper une balle, se pendre à une corde) (fig 2)
Idem en tournant le regard du sol au plafond et sur les côtés, en écoutant du son
Un pied au sol, l’autre sur le coussin ou un ballon :
Tenir l’équilibre en transférant le poids au pied sur le ballon (fig 3)
Sur deux pieds, les yeux fermés :
Visualiser mentalement (en caméra embarquée et suiveuse) des manœuvres en switch (fig 4)
Balance-board (Indo-board): équilibre général des appuis et transferts
Transférer ses appuis de switch en natural et vice-versa
Visualisation mentale et simulation du virage switch (fig 5)
Rotation du bassin avec transfert d’appuis d’un pied sur l’autre (fig 10)
Pistol : puissance et équilibre des appuis
Descendre doucement les fesses sur un seul pied, au besoin à l’aide d’un bâton
Augmenter progressivement les séries de 5 répétitions, repos 1min30 (fig 6)
Echelles ou anneaux au sol : agilité du pied
Disposer des cibles rapprochées sur le sol (anneaux, dessin sur le sable, échelle) et courir en faisant slalomer rapidement le pied le moins agile et l’autre aussi tant qu’à faire (fig 7)
Jongler avec ce même pied avec une balle de aki ou de foot
Tai chi : libération du bassin
Genoux légèrement fléchis, mettre le bassin en rotation en transférant le poids d’une jambe à l’autre. 10 minutes par jour tous les jours en attendant le bus et à la plage.
Poids sur la jambe vers laquelle le bassin se tourne (fig 8)
Poids sur la jambe opposée (si pas de soucis aux vertèbres dorsales)
Sur le dos, ramener les genoux sur le ventre (au besoin en serrant un ballon). Basculer à droite puis à gauche sans décoller les épaules, en expirant et regardant dans l’autre direction. (fig 9)
Bibliographie :
1. Asymmetry in muscle weight and one-sided dominance in the human lower limbs. Chhiber & Singh, Journal of Anatomy (1970)
2. Relationship between leg dominance tests and type of task, Jessica Velotta et al. Journal of Sports Sciences (2011)
3. Evaluation of laterality in the snowboard basic position. Staniszewski et al. Human Movement (2016)
4. What is leg dominance? Spry et al. International Symposium on Biomechanics in Sports (1993)
5. Goofy Vs Regular: laterality effects in surfing, Phil Furley, Laterality 2018
A la sortie de l’école, quand vient le temps de voler en autonomie, les jeunes pilotes doivent faire face à un supplément de pression, qui fait parfois y aller à reculons. Le vol est potentiellement dangereux, or il faut maintenant prendre soi-même les décisions et assumer ses analyses sans encadrement ni assistance. Pour les jeunes pilotes et pour ceux qui les accompagnent : voici nos conseils pour voler plus serein sur la route de l’autonomie.
A la sortie de l’école, quand vient la navigation en autonomie, les jeunes kiteurs et kiteuses doivent faire face à un supplément de pression, qui fait parfois y aller à reculons. Le kite est potentiellement dangereux, or il faut maintenant prendre des décisions et assumer ses analyses sans encadrement ni assistance. Pour les jeunes rideurs/euses et pour ceux qui les accompagnent : voici nos conseils pour naviguer plus serein sur la route de l’autonomie.
par Vincent Chanderot dans Kiteboarder #131
I. CHOISIS TON SPOT
Le spot adapté à son niveau est celui permettant de progresser en sécurité sans trop galérer. La peur c’est l’inconnu, alors il faudra aller faire ses armes sur un spot facile et familier. Il doit être suffisamment vaste pour offrir de bonnes marges de sécurité. Apprendre sur un spot trop technique est contre-productif : on y apprend moins vite voire pas du tout et il y a moins de plaisir. Avoir conscience d’être sur un spot exigeant génère aussi du stress inutile. Lorsque par exemple il faut parvenir à franchir une barre sans dériver sous le vent, il y a une pression du résultat. La densité de kites peut générer du danger, du moins un grand sentiment d’insécurité. Néanmoins, la présence d’autres kites permet une surveillance mutuelle, dont tu as besoin pour te rassurer. Si tu as appris uniquement en eau profonde et n’es pas encore à l’aise pour décoller sur la plage, il te faudra absolument faire cet apprentissage, sois donc doublement vigilant sur le choix du spot. Tu peux toujours te faire accompagner par un moniteur pendant quelques heures après le stage, pour bien appréhender le nouveau spot.
II. CHOISIS TES CONDITIONS
Seignosse dans la brise de mer sans houle, ça n’est pas la même que Seignosse pendant une dépression hivernale. Un plan d’eau facile, c’est un facteur clé de réussite pour la progression. Les conditions de navigation des premières sessions devraient être plaisantes pour que l’apprentissage ne devienne pas une corvée. Accumule de l’expérience dans un premier temps sur un plan d’eau plutôt plat. Même lorsque les conditions ne sont pas dantesques, les creux au large peuvent impressionner, le shore break au bord aussi. Les vagues peuvent transformer ta session en galère, donc regarde aussi les prévisions de houle.
Opte pour une orientation du vent sécurisante. En Side-On ou Side-shore le départ est facile, mais tu peux dériver sous le vent. Par vent Onshore, il faudra savoir caper pour s’éloigner du bord, mais en cas de soucis tu seras vite rentré. Le vent offshore porte au large et en cas de pépin ça devient dangereux, d’autant plus que les vents de terre sont la plupart du temps très rafaleux avec des grosses molles. Cette orientation est à proscrire au début sans un dispositif de sécurité. Tu verras sûrement parfois certains kiteurs naviguer dans ces conditions (et de façon systématique dans la tramontane). Ne cherche pas encore à les imiter. Renseigne-toi sur l’heure de marée, elle a une influence sur le plan d’eau et le shore break : C’est en général plus plat à marée basse.
III. CHOISIS TON MATOS
Utiliser du matos adapté à son niveau et au plan d’eau sonne comme une évidence, pourtant as-tu le choix ? Si tu n’as qu’une seule aile, naviguer sous-toilé n’est pas un gage de sécurité, au contraire, elle pourrait avoir tendance à tomber beaucoup ou du mois à te faire descendre irrémédiablement sous-le-vent. La taille de la voile est évidemment importante pour naviguer tranquille, mais ce n’est pas forcément à celle inscrite sur les voiles en train de naviguer qu’il faut se fier : non seulement elles dépendent du poids du rider en dessous, du volume de sa board et de son programme de navigation, mais certaines auront aussi une plage d’utilisation beaucoup plus vaste que la tienne. Dans un premier temps essaie de comparer ce qui est comparable, le temps d’acquérir tes repères, relève le vent à l’anémo, et bien entendu, prends conseil sur la plage.
Tu as peut-être acheté ta première voile ou board d’occasion surtout parce qu’elle semblait être une bonne affaire. Si la plupart des ailes sont aussi accessibles aux débutants, certaines sont néanmoins un peu trop vives, puissantes, difficiles à redécoller ou dotées de beaucoup de réglages incompatibles avec ce niveau. Les ailes les plus évolutives ont un très bon depower, ce sont les allround et les wave-foil. Les ailes typées freestyle sont moins accessibles et maintenant, il faut aussi tenir compte des matériaux, car certaines ailes deviennent très réactives grâce aux tissus ultra-PE comme l’Aluula, mais il est peu probable que tu en ais trouvé une dans un vide grenier. C’est surtout la board qui pourra être beaucoup trop petite. Veille à ce que ce ne soit pas le cas pour ton premier achat. Il n’y a pas plus contre-productif que d’apprendre un sport de glisse avec du matériel trop technique pour soi. Choisir du matos un peu plus technique en prévision de l’avenir te fera perdre du temps car tu progresseras moins vite, voire pas du tout et tu finiras démotivé. Il faut le choisir en fonction de son niveau du moment et pas de celui qu’on compte atteindre.
IV. CHOISIS TES AMIS
Pouvoir bien s’entourer, notamment tant que ton analyse n’est pas encore au top, est bien utile, en plus d’être sympa. C’est ce qui est difficile au début : on n’est pas toujours très sûr de soi, mais on ne connait pas encore les gens. Les meilleurs compagnons de kite sont ceux en lesquels on peut avoir confiance. Il te faudra trouver ceux dont les connaissances de la météo ou du spot pourront combler tes lacunes. Les copains rencontrés en école ont rarement plus d’expérience que toi mais peuvent créer une émulation. Certains prennent une sorte de leadership, mais ça ne signifie pas que leur analyse est bonne : ils peuvent juste avoir une plus grande gueule. On rencontre facilement des anciens en kite, d’abord en saluant tout le monde en arrivant, en donnant un coup de main pour décoller, et aussi en allant poser quelques questions. Avoir quelques bières dans la glacière ne peut pas faire de mal non plus. Et bien sûr il y a les clubs, qui sont faits aussi pour accueillir les jeunes, dont beaucoup possèdent des « leaders » dévoués à cette mission d’accompagnement.
La plupart des spots ont maintenant leur groupe Telegram ou Wattsapp pour se refiler les infos. Ne t’endors pas sur eux pour l’analyse météo, fais aussi tes observations, ça fait partie de la progression et de la prise de confiance, parce que sur l’eau, tu seras seul.
V. CONNAIS BIEN TON KITE
Pour ta sérénité, comprends bien que tu n’es pas prisonnier de l’aile. Pour cela, le B-à-Ba est de savoir larguer son kite les yeux fermés dans toutes les positions, de bien comprendre comment les deux largueurs fonctionnent et dans quels cas les utiliser. Fais souvent des « poignées témoin » dans l’eau, sur l’eau et sous l’eau pour simuler des largages, ça rentrera dans ton cerveau comme un automatisme. Déclenche aussi de temps en temps après avoir posé pour entretenir le système et t’entraîner à le réenclencher.
Si la puissance de ton kite t’impressionne toujours, explore sa sécurité passive en lâchant la barre pour observer la disparition de la traction, apprends à bien jouer sur le trim. On est maintenant très loin des premières quatre-lignes !
Continue éventuellement les exercices d’école, la nage tractée, le pilotage sur la plage si l’espace est sécurisé. Les ailes se pilotent en douceur et en fluidité, il faut apprendre à écouter les informations qu’elles communiquent, les choquer au maximum, les laisser voler sans se crisper…
VI. DETENDS-TOI
Ça n’est pas intrinsèquement le vent, la mer, le kite, les autres qui créent du stress. C’est une chimie dans ton cerveau, aussi tu peux agir très efficacement dessus avec quelques conseils de notre préparatrice mentale Marine Descols. Veille d’abord à te trouver dans de bonnes dispositions pour un bon apprentissage, donc à te sentir en forme physique et morale. Aie des exigences en rapport avec tes capacités du moment. Inutile de se mettre une pression de malade pour performer comme un athlète quand on débute. Sois tolérant, si tu n’as plus fait de sport depuis longtemps, si t’es épuisé par le taf, si tu as peur de l’état de la mer, tu ne performeras pas pareil. Si tu as tendance à stresser un peu, trouve-toi une routine, un rituel d’échauffement : ça calme, permet de se recentrer, conditionne son esprit à l’apprentissage. On parle d’ancrage, trouve à ce propos le dossier sur les outils du mental dans KBR127. Il peut s’agir de juste nager un peu, ou de méditer quelques instants. Tu peux encore utiliser la respiration « parasympathique » en expirant longuement et doucement pour évacuer la pression. La cohérence cardiaque est aussi une méthode anti-stress qui peut s’utiliser en permanence, il s’agit d’inspirer et expirer de façon contrôlée et égale (4-5 secondes).
Que se passera-t-il si ça part en sucette ? Cette inconnue génère du stress, aussi tu peux faire une exploration mentale pour préprogrammer tes réactions. Il ne s’agit pas du tout d’envisager le pire, mais de visualiser les réponses que tu apporteras dans les scénarios qui te font flipper. Par exemple s’il devait y avoir emmêlage, si tu devais dériver dans les cailloux, ou affronter un grain… que ferais-tu ? En plus, chaque visualisation est perçue par le cerveau comme une expérience vécue, donc tu prends en même temps de la bouteille.
VII. AGIS AVEC METHODE
Notamment pour la préparation du matos, la connexion des lignes, le décollage et l’atterrissage : Ces étapes exigent de la rigueur, et pas de l’improvisation. Utilise des méthodes connues, suis tes procédures et si tu veux changer ta technique, vérifie à deux fois. Alors tu seras serein. Rester concentré sur ces phases importantes implique aussi de ne pas se laisser distraire par les copains ou une jolie passante en bikini. Sur l’eau, essaie de suivre un objectif de progression que tu t’es fixé, par exemple parvenir à caper, maîtriser ta vitesse ou ne pas paniquer à l’approche d’un autre kite. Agir avec méthode pour l’apprentissage des manœuvres, c’est bien entendu assurer les fondamentaux et ne pas griller les étapes. Par exemple pour envisager d’enlever le casque, il faut d’abord pouvoir se dispenser de leash, donc savoir caper en nage tractée. Quand c’est trop compliqué, que tu parviennes à identifier tes problèmes ou au contraire que tu n’y parviennes pas, tu peux toujours retourner voir une école ponctuellement.
VIII. TIENS TON RANG ET SENS-TOI A TA PLACE
Lors des croisements, les autres riders s’attendent à ce que tu respectes les priorités, mais aussi à ce que tu prennes les tiennes, sinon il y a de la confusion et c’est la pagaille. On a besoin de comprendre clairement ce que font les autres sur l’eau, de se faire confiance. Tu n’es pas obligé de faire demi-tour dès que tu vois qu’un rider va croiser ta route. Fais-le s’il est tribord amures, mais pas parce qu’il a l’air très fort !
On a le droit d’être en apprentissage, on a le droit de ne pas être un cador, tu as le droit d’être là. Il ne faut pas en avoir honte ou se cacher, tout le monde est passé par ce stade. Néanmoins il peut être judicieux de choisir son petit coin plus tranquille, ou un peu au large, à l’écart des zones d’envoyade, et tant pis (ou plutôt tant mieux) si maman ne pourra pas te mettre sur instagram. Ne sois pas trop sensible à la critique, même si elle te semble dure ou déplacée : ça n’est en général pas à ta personne qu’elle s’adresse, mais à ta situation provisoire d’apprenti. Si tu te fais engueuler sur l’eau, c’est le plus souvent pour que tu puisses apprendre un truc !
IX. PRENDS TON TEMPS
Inutile de te précipiter dans les vagues ou de sauter alors que tu ne sais pas cranter, parce que tout le monde le fait. Il faut se donner le temps d’apprendre et de maîtriser les codes. Disposer de bons fondamentaux, c’est rassurant, c’est important et ça évite de trimballer de mauvaises habitudes. En école, le casque et le gilet sont obligatoires, non pas pour être repérés de loin, mais pour te protéger. Après l’école on fait comme on veut, pourtant on est probablement plus exposés. Pourquoi ne pas garder le casque et la flottaison ou l’impact vest ? Ils peuvent rassurer, protéger du froid aussi et on n’a pas forcément l’air idiot avec, d’ailleurs beaucoup y sont revenus depuis le foil ou dans les vagues. Inutile aussi de tout plaquer dès que tu vois une feuille frémir sur son arbre : attends que toutes les conditions soient réunies pour te permettre une bonne nave. Une bonne météo, un bon esprit, une bonne forme. On a toute la vie devant nous et il faut aussi savoir passer son tour. Quand il y a des kites à l’eau, ça n’est pas parce que c’est bon pour eux, que ça l’est aussi pour toi.
X. SOIS CURIEUX
Plus tu accumuleras de connaissances, plus tu pourras te sentir à l’aise. En fait cela dépend beaucoup des individus. Certains deviennent très à l’aise en suivant leur instinct et en défrichant, sans pouvoir expliquer les choses. D’autres ont besoin de comprendre comment et pourquoi les choses fonctionnent, de faire tourner leur imaginaire, de poser plein de questions. Bouquiner, regarder des vidéos, discuter avec les vieux pour engranger des connaissances, ça fait partie de la progression et de l’acquisition de l’autonomie. Prendre le temps de se poser pour observer les riders, mais aussi les nuages, les vagues, les courants avant de se précipiter à l’eau. Comprendre comment déroulent les vagues, comment naviguent les autres, où ils se placent, est riche en enseignements et permet de rentrer progressivement et plus détendu dans sa session.